Gardien Party par Valérie Mréjen et Mohammed El Khatib

Ou comment se transformer en plante verte au milieu des tableaux de la Renaissance. Avec Gardien Party, Valérie Mréjen et Mohammed El Khatib interrogeaient les gardiens de musée et le rapport au travail dans cette proposition du TNB hors les murs début octobre.

Cette mise en scène dans le patio du musée des beaux-arts de Rennes évoque le rapport au travail quand on est gardien de musée. Tour à tour, ce sont six gardiens de différentes nationalités qui racontent sous forme d’anecdotes leur travail au quotidien. Être assis et être discret, c’est tout un art. Pour cela, les gardiens invités à témoigner de leurs surveillances nous évoquent leurs présences transparentes. Certains usent de techniques pour contrer l’ennui (qui d’ailleurs peuvent rappeler les gestes anti-ennui du gardien – et artiste Laurent Marissal dans son livre Pinxit – en extériorisant avec des échauffements du corps ou mentalement à se souvenir des médiations de leurs collègues médiateurs). Chacun développe ses astuces pour rester assis huit heures d’affilées. Le témoignage organisé et structuré par thème sous forme de conversation rappelle les vidéos du début des années 2000 de la plasticienne Valérie Mréjen comme les souvenirs racontés des proches.

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©Yohanne Lamoulère

Difficile d’identifier la frontière entre fictions et réalités. Quand on voit la gardienne russe avec son kit de camping près d’elle (couverture, tricot de plusieurs mètres de long, thermos, livre) et de croire que cela est autorisé dans un musée russe. Mais voilà si cette gardienne agit de la sorte c’est aussi pour se sentir plus chez elle, parce qu’elle assimile son lieu de travail à un intérieur confortable, maintenant que ses enfants sont partis.
Le gardien français raconte qu’il a étudié l’histoire de l’art et que comme beaucoup de sa filière, il s’est retrouvé médiateur, puis gardien.
La gardienne chinoise raconte qu’elle est gardienne de musée pour payer ses études. Qu’il y avait très peu de fréquentations dans le musée privé dans lequel elle travaille et que son patron lui interdit de porter des oreillettes sans fils (elle mettait en audio ses cours pour réviser). Et que la pause pour aller aux toilettes est compliquée, car le temps d’avoir l’autorisation et d’attendre qu’il y a personnes peut prendre plus de temps que prévu.
Le gardien américain porte un costume, qui lui permet d’endosser son rôle de travailleur et d’être identifié plus facilement par rapport aux visiteurs.
La gardienne suédoise raconte qu’elle ne vient pas d’un milieu social tourné vers la culture, et qu’en fait si on comprenait sa langue, on entendrait un accent moins urbain dans ces paroles. Elle est dynamique et fait des exercices d’étirements.
Enfin, le gardien de nuit de la fin de partie raconte qu’il est à la base danseur et que pour lui ce poste de gardien était l’opportunité de rester proche des œuvres d’arts.
Le jeu de la mise en scène, les gardiens qui parlent mais qui performent provoquent une ambiguïté entre le réel et le jeu. Peut-être que quand on se raconte on déforme les souvenirs car la mémoire est sélective. Après tout les gardiens peuvent très bien romancer leur quotidien : on le fait bien dans la vie de tous les jours.

Les collections sont le rythme et la mise en forme de Gardien Party. On peut même trouver à la fin des miettes de collections sous forme de cartes postales dans un présentoir pivotant, dans lequel le musée des beaux-arts a fait don de surplus de stock de reproductions d’images de tableaux issus principalement de sa collection de la Renaissance, allant du Christ portant sa croix d’Andrea Solario à Christophe Colomb arrivant en Amérique de Francesco Solimena. Ce qui étrangement peut ramener à des gestes de Mohammed El Khatib sur une de ses pièces intitulée Conversation avec Alain Cavalier, qui relate son amour pour l’histoire de l’art par le biais d’une image datant de son enfance.

 

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