Le droit du sol de Davodeau : 800 km de vertiges

C’est l’histoire d’un sapiens qui a parcouru 800 kilomètres de randonnée. Un sapiens avec un crayon qui marche dans le chemin de la bande dessinée de reportage : Étienne Davodeau signe avec Le droit du sol plus de 200 pages avec l’encre de la terre et dans l’antre des mots.

 

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« Sur les parois de la grotte de Pech Merle, il y a des milliers d’années, des sapiens ont laissé à leurs descendants des souvenirs admirables. À huit cents kilomètres de là, sous le sol de Bure, en ce moment, d’autres sapiens – et d’une certaine manière les mêmes sapiens – envisagent d’enterrer des déchets nucléaires dont certains resteront dangereux pendant des milliers d’années. » Page 14

La ligne, c’est celle de la marche tout d’abord. En juin 2019, Étienne Davodeau s’élance depuis Cabrerets dans le Lot. Direction nord-est, vers la ville de Bure dans la Meuse. Dès les premières pages, le pourquoi de la destination est indiqué : « on va peut-être y enfouir des déchets nucléaires ». Le marcheur observe alors le paysage, note sa réaction à l’effort ; au fil du voyage, les rencontres, la pluie, les animaux, les paysages.

 

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La ligne, c’est aussi celle du dessin pour relater ce qui est vu. Ce qui se réfléchit au fil des pas. Et ce qui se dit, notamment lors de ses rencontres comme celle avec Bernard Laponche, spécialiste des réacteurs nucléaires et ferme opposant au projet, ou Valérie Brunetière, sémiologue, à qui il demande d’expliquer sa spécialité. Et c’est là la force du récit de Davodeau : dire et faire dire avec des mots simples pour le lecteur, faire comprendre, tout comme le support de la bande dessinée permet une approche renouvelée d’un sujet spécifique. Une vulgarisation qui en arrive même à la question de la pollution du papier, le matériau que le lecteur tient entre ses mains.

 

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Alternant passages sensibles à l’humanité (comme le long des murs de la prison de Clairvaux) et bien sûr à la nature, Étienne Davodeau finit par atteindre Bure, et la forêt occupée par les opposants au projet de la société Cigéo. Rappelant la victoire sémantique du « Zone À Défendre » à « Zone d’Aménagement Différée » suite à la lutte de Notre-Dame-des-Landes, l’historique de la lutte est esquissée sur la dernière partie du livre, notamment la répression violente de 2017-2018.  Répression, arrestations : la bande dessinée du réel patauge en plein dedans avec les questions vertigineuses posées par l’auteur qui termine sur les arbres du bois Lejuc.

« C’est juste un petit bois tranquille comme il en existe des milliers sur la planète terre. Mais celui-ci abrite dans son feuillage des questions fondamentales ». Page 207

 

Étienne Davodeau termine son livre en juin 2021 et le clôture par une note « Au début du mois de juin, pendant trois jours, Joël Domenjoud et six autres personnes ont fait face aux juges du tribunal correctionnel de Bar-le-Duc. (…) Le verdict est annoncé pour le 21 septembre. » Des peines de douze et neuf mois de prison ferme ont été prononcées contre deux opposants. À l’heure où le ralentissement devrait être de mise, prenez le temps de lire cet ouvrage. Et d’y réfléchir au pied d’un arbre.

 

Le droit du sol, Journal d’un vertige -  Une bande dessinée d’Étienne Davodeau – 216 pages en noir & blanc – Futuropolis – Paru le 6 octobre 2021

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