Avec Nomadland, la réalisatrice sino-américaine Chloé Zhao signe une adaptation intime et atmosphérique du livre enquête de Jessica Bruder Nomadland : Surviving America in the Twenty-First Century, autour de la précarité des seniors rejetés par la société de consommation parce que leur productivité ne correspond plus à la demande.
Dans Nomadland, il y a une réalisatrice Chloé Zhao qui filme avec délicatesse les personn-agé.e.s du réel. Entre mythologie fictionnelle et authenticité documentaire.
Dans Nomadland, il y a Fern, veuve soixantenaire, victime de la grande récession de 2008 qui lui a tout pris logement, travail, assurance maladie, sauf sa dignité et sa lucidité.
Dans Nomadland, il y a Fern qui traverse les paysages, les rencontres et les épreuves. Son visage silencieux, en observation. A la bonne distance.
Dans Nomadland, il y a Frances McDormand qui a tellement aimé Fern dans le roman de Jessica Bruder qu’elle s’est glissée dans sa peau comme une évidence, avec justesse et naturel.
Dans Nomadland, il y a l’Amérique. Des étendues désertiques à perte de vue, des rubans de routes immersives et des étoiles à observer à la tombée du jour.
Dans Nomadland, il y a des femmes et des hommes, à l’heure entre chien et loup de leur existence qui habitent dans leur camion par nécessité et non par vision idéalisée du voyage.
Dans Nomadland, il y a de vrais nomades autour d’un feu nocturne dont Bob Wells légende dans le milieu des vanlifers, avec leurs récits de vie et leurs confidences.
Dans Nomadland, il y a les au revoir qui ne sont pas des adieux mais des espoirs de se recroiser quelque part. Vivant ou mort.
Dans Nomadland, il y a les galères du quotidien : salaires bout de ficelle, délogement, douleurs intestinales à évacuer dans 10m2, jugements moraux. Être sans maison mais pas sans abri.
Dans Nomadland, il y a la sororité, la solidarité et la bienveillance, des tuyaux de boulot échangés et des chaises offertes, une communauté d’ancien.ne.s pour se réparer.
Dans Nomadland, il y a des emplois saisonniers qui transforment les humain.e.s en « en vache à lait » d’Amazon à la cueillette industrielle de betteraves à sucre en passant par le récurage de toilettes dans un camping. Du travail nécessaire pour survivre sur la route.
Dans Nomadland, il y a la fuite du renouveau sédentaire. Parce que la respiration ne se situe pas entre les murs d’une maison mais dans la solitude de la poussière de la route et de la puissance de l’océan.
Dans Nomadland de Chloé Zhao, il y a le goût doux-amer de la liberté, ce qu’elle prend, ce qu’elle coûte et ce qu’elle apporte. Non négociable.