L’exposition Forsythia, Lilac and Geranium par Rafaella della Olga, Camila Oliveira Fairclough et Elsa Werth au Cabinet du livre d’artiste est prolongée jusqu’au 22 avril. Des visites individuelles sont possibles.
Depuis près d’un an, le Cabinet du livre d’artiste est obligé de reporter ou annuler ses expositions, comme tous les lieux culturels du pays. Malgré cela, le lieu a décidé d’exposer sans public et propose une exposition « fantôme » ; il suffit d’appeler et de prendre rendez-vous pour avoir accès à une visite du lieu. On peut également voir l’exposition en ligne, sur le site internet. Exposant des artistes la plupart du temps encore vivants, avec la particularité d’exposer des multiples, les accrochages sous les vitrines préservent et mettent en valeur des supports type affiches ou livres d’artistes variant du format de poche au format oversize. Il s’agit également d’un lieu où l’on peut emprunter des livres d’artistes, et pourquoi pas s’y installer pour en lire quelques-uns.
L’exposition du moment a été repoussée trois fois. Ce qui génère trois versions de flyers d’invitation. Aurélie Noury, qui est responsable du lieu, propose de percevoir dans Forsythia, Lilac and Geranium une exposition… que l’on ne peut plus voir, un peu comme les livres que l’on n’a pas lus de Pierre Bayard, dans une version non-évènementielle.
Il faut savoir que ces trois artistes rendent hommage à la poésie concrète de la poétesse américaine Mary Ellen Solt (1920-2007), et spécialement à un recueil de 1966 intitulé Flowers in Concrete. Mary Ellen Solt avait la particularité d’écrire des poèmes en forme de fleurs (la forme et le contenu du poème sont littéralement liés dans la poésie concrète.). Ainsi, « Forsythia », « Lilac » et « Geranium » sont originaire de cette poésie en forme de fleur, et sont reprises comme des alias (ou comme des pseudonymes) par Rafaella della Olga, Camila Oliveira Fairclough et Elsa Werth. C’est d’ailleurs ces noms de fleurs latines sur un mur visible de l’intérieur du bâtiment Ereve que l’on peut voir inscrits au feutre noir par les artistes le jour du vernissage, sans personne. Et on retrouve le nom de ces fleurs en forme de rond sur la couverture de la dernière parution du journal Sans niveau ni mètre (le n° 56), qui est d’ailleurs un support qui aide à comprendre rapidement les différentes méthodes de travail des trois plasticiennes exposées au Cabinet du livre d’artiste.
Rafaella della Olga est née en 1967 en Italie. Elle détourne le domaine bureaucratique en composant avec des machines à écrire et utilise par exemple du papier carbone et d’autres papiers rappelant le champ lexical des outils du monde du travail du bureau. En parallèle, elle se sert de vraies feuilles d’arbres où les nervures font écho au boulot. Son travail d’inscription se caractérise par un travail unique, celui de l’artisanat.
Camila Oliviera Fairclough est née en 1979 au Brésil. Les couleurs sont empruntées au domaine bureaucratique, les contenus textuels se rattachent aux listes et procédures de compilations. Ces œuvres sur des supports papier sont récoltées à partir de notre consommation quotidienne et du milieu commercial. Camila Oliviera Fairclough offre une poésie minimaliste que l’on peut retrouver dans son livre A Picture, et dans lequel on y lit un mot par page. La dimension zen et de détente se retrouve également dans les deux versions Inspirer et Expirer.
Pour finir, Elsa Werth est née en 1985 en France. Les formes du secteur bureaucratique sont détournées par des objets utilitaristes (enveloppes, tampons) et organisationnels (la règle, les calendriers et formulaires). Ainsi la logique de distribution dans Un jour le monde reprend le fameux journal Le Monde et permet par exemple d’observer un travail post-conceptuel du langage. Autre exemple, une règle de 30 cm dans laquelle est inscrite une longue opération d’addition, de soustraction, de multiplication et de division qui font la somme de 30.
Cette exposition en temps de covid est l’occasion d’expérimenter la disparition naturelle de l’auctorialité des artistes et de diffuser des para-textes liés à l’exposition afin de créer d’ici peu une prolongation de l’exposition sous une forme de publication d’artistes, rappelant le fil conducteur de cette exposition : celui de la collaboration.
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