Le film avait été encensé lors de sa sortie en 2020. Les élections présidentielles de 2022 approchant, il est toujours temps de voir La Cravate, un documentaire hors-normes qui a le mérite de rappeler quelques fondamentaux.
Face caméra, Bastien commence à lire un script ; il rit en lisant « La Cravate » et s’interroge : « Ça va être le titre ? » Ce texte, c’est ce qui sera lu en voix off (et sera commenté de temps à autres par le protagoniste), écrit noir sur blanc, chapitré comme un roman. Nous sommes en novembre 2016. Bastien Régnier a 20 ans et vit dans un petit village de Picardie ; il a une petite amie et il pratique le laser game depuis de nombreuses années. Bastien Régnier a une autre passion : distribuer des tracts sur les marchés et coller des affiches.
La petite nuance ? Bastien est militant au Front national, rebaptisé Rassemblement national en 2018. Une tentative de faire oublier son empreinte raciste, tout comme le montre l’organisation du parti au fil du film : éloigner les plus virulents, maîtriser la parole face aux médias. Un lissage pour embellir le costume, qui s’avère être un élément clé dans le film, soulignant le jeu des apparences et des faux-semblants, des ambitions carriéristes jusqu’au choix du motif pour ladite cravate. Car c’est toute cette organisation pyramidale avec le parcours de Bastien qui se révèle au fur et à mesure, et tenter d’approcher les cercles qui y sont au sommet.
« Tant que les idées ne sont pas au pouvoir, j’arrêterai pas » précise-t-il après le 2ⁿᵈ tour des élections de 2017.
Ce qui fait la force du documentaire, c’est l’expérience individuelle de Bastien ; son besoin d’être reconnu pour son action, son envie d’être utile au sein du parti. Et pourtant, Bastien cache dans son passé quelque chose qui pourrait bien l’en exclure… (nous ne révélons pas cet élément clé pour ceux qui n’auraient pas vu le film). L’aspect chapitré et la lecture (avec un ton qui frôle parfois l’humour, parfois une fiction romanesque) ferait parfois presque oublier que nous sommes dans un documentaire. Mais les images veillent, comme l’incrustation d’anciennes affiches du Front national qui en rappellent le fonds de commerce : l’immigration, le nationalisme exacerbé.
Voir La Cravate en 2021 résonne étrangement tant l’aspect gluant des idéaux nauséabonds du Front national semble incrusté jusque sous les joints des carrelages des commissariats. Voir La Cravate est une expérience cinématographique indispensable, tant pour sa forme que pour son fond, implacable, et rappelant que malgré le changement de motif du costume, cela reste un habit, et qu’il reste à chacun de savoir qui le porte.