Voilà qu’avec le confinement du covid-19, l’idée de faire un article sur les origines du zombi s’harmonise parfaitement avec nos activités chronophages et à notre culture teintée de mémoire vive.
Qu’est-ce qu’un zombi ? Les origines sont caribéennes, à plus de 7 300 km de chez nous, et c’est sur l’île d’Haïti (celle partagée en 2 avec la Dominique Républicaine) qu’on zombifie des gens. Dès le XVIᵉ siècle, des colons français exploitent les ressources de l’île, et 2 siècles plus tard, c’est-à-dire en 1804 : les esclaves proclament leur indépendance et Haïti devient la première république noire indépendante du monde. Les zombis sont issus de cette histoire coloniale.
Les origines de la zombification sont africaines et vaudou, car dans la sorcellerie vaudou, il y a une désignation et des reconnaissances de démons, d’esprits et de revenants africains. Le vaudou haïtien est quant à lui un métissage entre vaudou africain et catholicisme. En fait, tous les esclaves du XVI-XVIIᵉ qui débarquent dans la colonie française localisée à Saint-Domingue sont systématiquement baptisés entre 1626 et 1804.
Le zombi, c’est également une mémoire incarnée par le passé vécu. Son existence est le résultat d’une ré-appropriation de son corps et de son libre-arbitre par rapport aux traumatismes vécus par l’esclavage. Le zombi c’est aussi le dernier témoignage d’une mémoire très particulière, car cette dernière est sans construction du discours (un zombi ne peut plus parler).
Les significations et (surtout) leur rôles, sont détournés en Haïti. Parce que la communauté des esclaves en fait son instrument de justice contre la justice des colons. C’est-à-dire que les sorciers vaudou haïtiens prennent le rôle des juges et administrent des poisons à très faibles doses, qui simulent la mort à des victimes désignées en aparté. Ainsi les zombis ont le même traitement que les esclaves de l’île : instrumentalisation de leurs corps et dépossession de leur liberté.
Le film Zombi Child de Bertrand Bonello est un documentaire peuplé d’éléments fictifs, qui reprennent l’imaginaire de la sorcellerie et du cannibalisme. Fait réel : En 1962, à Haïti, un homme nommé Clairvius Narcisse (interprété par Bijou Mackenson) se retrouve intoxiqué par une poudre glissée dans sa chaussure et se retrouve transformé en état de zombification, c’est-à-dire que son système nerveux et les cycles internes de ses organes vitaux sont ralentis dans un rythme de l’ordre du sous-régime. Clairvius est une première fois enterré (en 1962) et se retrouve déterré par ses criminels quelques heures plus tard. Clairvius se métamorphose en créature humaine privée de mémoire et de désirs, il est ensuite exploité dans des plantations de canne à sucre, où il sera drogué tous les jours. Clairvius arrive à s’enfuir au bout de 2 ans, l’esprit toujours embrumé, pour se cacher dans les hauteurs montagneuses de l’île, redescendant certains soirs en ville pour observer sa femme à distance.