Le monde du vin évolue à coudées petites mais franches grâce aux artisan·e·s du naturel. Mais ce dernier est parfois trop rebelle pour les règles actuelles, ce qui peut le conduire au tribunal. L’avocat parisien Eric Morain les défend ainsi que leurs auteurs avec ferveur, et livre cinq de ces combats et son analyse juridique dans son Plaidoyer pour le vin naturel.
« Bon appétit, messieurs ! Bon appétit, messieurs les procureurs de confréries de toutes sortes, empourprés d’hermines sulfitées et de breloques ridicules à l’effigie de Saint-Vincent !
Mesdames et messieurs les jurés : qui nous juge ?
Qui va donc juger ce vin naturel dont les traces les plus anciennes remontent à plus de 8 000 ans aux confins de la Géorgie et de la Grèce ? À cette époque-là les acratopotes, entendez les buveurs de vins purs, étaient légion. »
Éric Morain est connu comme « l’avocat du vin naturel », qui a gagné tous ses procès depuis dix ans. Avocat au barreau de Paris depuis 1997, d’abord spécialisé en droit pénal, de la famille et de la presse, il défend la veuve et l’orphelin, comme ce vin vivant à qui on veut arracher son AOC et tuer financièrement ses parents. Plaidoyer pour le vin naturel est son premier livre, dans lequel il défend ces vins défiant les conventions et autres lourds cahiers des charges. Trop d’herbes hautes et de fleurs entre les vignes, durées d’élevage et goût non conformes aux attentes stéréotypées, vocabulaire trop réservé aux appellations valorisées pour qu’un paysan ait le droit de l’imprimer sur ses bouteilles, autant d’absurdes hostilités contre lesquelles Sébastien Riffault, Dominique Derain, Olivier Cousin, David Léclapart et Alexandre Bain ont dû se battre au tribunal, accompagnés de maître Morain. À la fin de l’ouvrage, dans « une suite (un peu) chiante (mais importante) », l’auteur détaille les points juridiques du débat qui anime actuellement le milieu du vin naturel, à savoir sa définition officielle, ce qui le protégerait des soucis avec l’INAO.
« “C’est ça votre problème, bande de cons : vous exploitez au lieu de cultiver !” avait balancé à l’INAO Olivier Cousin du haut de son cheval qui descendait les marches de la cour d’appel d’Angers où il venait d’être relaxé. »
Plaidoyer pour le vin naturel est également une déclaration d’amour à ce vin nu, différent car sans tromperie œnologique, fait uniquement de raisins sains, beaucoup de travail et de conviction, face au vieux monde conventionnel personnifié par la figure de Robert McDowell Parker Junior pensif dans sa Napa Valley (toute ressemblance avec un célèbre critique américain également amateur de « colle de poisson, gomme arabique, poudre de tanins et gélatine » ne serait que fortuite… ou pas). C’est une lecture passionnante et éclairante sur la réalité juridique et humaine de ce jus qui fait parler de lui, du zinc au prétoire.
À noter qu’acheter ce livre est une bonne action envers les vigneron·ne·s fragilisé·e·s : les droits d’auteur seront intégralement reversés à l’association « Vendanges Solidaires ».
Éric Morain, Plaidoyer pour le vin naturel, éditions Nouriturfu , 112 pages, 14 euros, en librairie le 2 mai 2019. Il parle aussi droit et vin naturel sur Twitter.