Le Goût des oursins : un roman de Lorène Güney.
Elle avait fixé les yeux de Mehmet pour capter une réaction intérieure au cas où il aurait été tenté de mentir. Mais Şengül et lui se jetèrent un coup d’œil, les yeux tout ronds et les lèvres pincées, et ils se mirent à rire en chœur. Il amena son épouse à lui en passant son bras autour de son épaule et il la serra fort. Ils s’embrassèrent, puis se tournèrent vers Mona.
« Tu ne sais donc rien? »
Mehmet sembla se moquer gentiment en prononçant ces mots, mais de l’absurdité de la situation, pas de Mona. (page 152)
Premier roman de la Bretonne kurdophile Lorène Güney, Le Goût des oursins est une initiation à la vie et à la poésie stambouliote, turque et kurde, à travers les yeux de Mona. Mona est une jeune Bretonne qui cherche à en savoir plus sur son père inconnu – sa mère étant mutique sur le sujet mais ayant accouché d’elle après un séjour prolongé en Turquie auprès de populations kurdes, ça lui donne une piste intéressante.
Décidée à déceler ce que tait le non-dit, elle va rencontrer Nur, Mirza, le beau Yussuf, Şengül, Yoldaş, Mehmet, et remonter la piste de ses origines montagnardes.
En filigrane se dessine la vie rude d’une Turquie actuellement soumise à un régime politique qui n’est plus à une exaction ni à un village kurde rasé près. Mais l’essentiel semble résider, contre vents et marées, dans les amours toujours possibles entre les êtres venus d’horizon différents. Ode au métissage et à la romance féconds quoi qu’il en soit par ailleurs des réalités politiques âpres et des traditions familiales étouffantes, Le Goût des oursins a quelque chose de profondément rassurant.
PS : Lorène Güney présenta son ouvrage lors d’une soirée à la librairie Planète Io rue Saint-Louis et répondit gracieusement aux judicieuses questions posées par Pierre Péron (dont nous avons eu l’occasion de chroniquer l’ouvrage La Mort dans l’algue, paru à La Gidouille).