Bacon le Cannibale : dévorer la langue

Perrine le Querrec sculpteuse de mots. Françis Bacon peintre de chairs. Une même maîtrise de la matière artistique dans un usage prolixe et complexe. Avec les méandres de l’âme humaine en toile de fond. La rencontre sur papier de ces deux artistes attisait l’appétit. La dégustation tient ses promesses. Bacon le Cannibale, hommage-littéraire hypnotique de Perrine Le Querrec à Francis Bacon est à dévorer d’urgence.

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Avec Bacon le cannibale, Perrine Le Querrec s’est lancé un défi syntaxique en forme d’hommage-dissection au cœur des entrailles du peintre anglais emblématique Francis Bacon (1909-1992). Vaste entreprise qui colle comme un gant (de médecin légiste) à l’autrice. À la faveur de son  crayon-scalpel qui découpe les mots avec une précision chirurgicale, elle guette la sensation, l’épiderme, le système nerveux du peintre à travers son œuvre. Un ouvrage qui associe collages, images, peintures et textes-poèmes. Également documentaliste, Perrine Le Querrec s’est plongée dans des milliers d’archives, de portraits, d’objets de l’artiste pour mieux retranscrire sur papier « une création flamboyante et déchirante, solitaire et universelle ».

« Quand tu dépèces un homme tes mains empoignent l’animal tu le pousses de l’épaule, tes pieds enfoncés dans le sol d’images tu le maintiens de tout ton corps. Tu enfonces ton pinceau au rythme des ténèbres… »

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À la question « quel écrivain vous a influencée ? », Perrine Le Querrec répond Françis Bacon. Un artiste qui « désangle les corps à vif » et manipule les visages. Qui construit une œuvre dense couleur rouge-sang. Qui utilise le pinceau comme un crayon pour écrire l’histoire d’une humanité en lambeaux. Perrine le Querrec ne procède pas autrement. Elle manipule la langue comme une matière à modeler, à presser, à tordre pour en extirper la substantifique moelle de la littérature et de la poésie. Dans son univers, « les divagations de l’esprit deviennent électro-choc » écrivions-nous dans La Revue n° 3 à propos de La Ritournelle, son précédent ouvrage. Avec ces deux artistes, l’art devient modelage universel. Mettre les mains dans le brouet de l’humanité, les ressortir noires de traumas, d’extase purulente, de sons gutturaux. Écrire la voix et peindre le corps. Dévorer l’art avec la langue. Ainsi va Bacon le Cannibale.

« Entrée en scène du miroir puis du corps il progresse devant le miroir s’il tournoie s’attarde s’étire il grandit ou diminue d’ivresse optique les formes coulent l’une dans l’autre polissent l’aveugle miroir de l’œil alimenté du reflet »

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Bacon le Cannibale, Éditions Hippocampe, 80 pages.

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