Vive le vent ! C’est l’heure de se mettre au vert pour les fêtes. Même si on connaît déjà la chanson, un autre vent de fraîcheur s’abat sur le rap francophone avec Billie Brelok, le retour des anciens avec ATK, la claque Lomepal et le combat ordinaire de Georgio. Ou celui en marge de Monsieur Saï. Quitte à terminer sur des tops albums pour les grincheux et les amoureux du bon son ! C’est donné, c’est cadeau, c’est la dernière Revue de Seize de l’année ! Enjoy, et surtout bonnes fêtes !

« Évidemment que je veux briller comme l’or

J’ai passé ma vie invisible comme l’air

Pourquoi vous voulez m’aimer maintenant ? « 

[Évidemment] Lomepal

ÇA VIENT DE SORTIR ///

• ATK – ON FAIT COMME ON A DIT
  

« Je vais au fond des choses, comme un gynécologue ». D’habitude, les come « bac » sont difficilement audibles pour autrui. Hormis si les ellipses ont été courtes, les risques d’un brin de nostalgie empiètent sur la réelle qualité d’un album (kikou Iam, Ol Kainry, Kool and co). Ceux qui sont à l’ancienne essayent souvent de s’refaire un lifting et rares sont ceux qui montrent leur meilleur face ! ATK, groupe mythique des années 90, avait étalé des classiques : « Comme à 20 ans », « Heptagone » ou le « Le 7e sens » pour ne citer qu’eux. De nouveau réunis, ils reprennent le sens du rythme pour délivrer « OFCOAD« . Promesse faite à Freddie K., ATK remet le couvert ! Alors, tu sens le traquenard ? Et bin franchement, c’est plutôt bon les copains ! Le premier titre éponyme donne déjà de bons signaux et ça retombe pas à l’écoute de l’album : du rap bien fait, varié, où les flows s’entremêlent et s’entrechoquent, des rappeurs qui évitent d’en rajouter des tonnes ou de faire les anciens, des écritures qui ne sont pas éclatées et restent dans le mouv’… Bref, ça tient clairement la route ! Pire, ça nous emmène plus loin et donne parfois des petites touches de « j’n'avais pas entendu ça avant ». Qu’on écoute le surprenant « Écoute, écoute », le mélancolique « Authentique Ordre 66″, le rajeuni « Que nenni », l’instrumentale « Midi », l’album est une vraie boule à facette ! Il y a une vraie patte ATK où la créativité n’est pas limitée et les envies sont abouties comme par exemple sur « Infinitif » où Cyanure se lâche dans son meilleur des exercices sur un rythme de drum’n'bass. Des retrouvailles réussies sur un 18 titres ! Oui, 18 titres ! Des risques ont été pris ! Comme quoi, tout est possible au 21e siècle ! Miracle de Noël ? Non, c’est juste ATK ! Allez, avoue que tu kiffes !

• [SOMA005] - Deuxième volte digitale
  

« Donc je trime et je bois pour terminer minable ». Monsieur Saï a pas encore entamé le réveillon du 31 décembre que la bouteille est déjà ouverte. Pour « trinquer à ce pays de vampires », le titre « la République du mollard » en featuring avec Sooolem ouvre ce nouvel opus de chez Soma prod (où on avait bien aimé Ballades humaines soit dit en passant). La plume de Monsieur Saï est donc revenue cracher quelques vérités, avec le climat glauque qui n’est pas un mirage : « l’État censure au nom de la liberté d’expression », faisant sur le titre terroriste un clin d’œil à Rémi Fraisse disparu à Sivens sous quelque grenade, et tout en laissant bien entendre que ce texte ne veut pas être un couperet. Et c’est toujours la force de l’auteur : mettre en lumière sans aucun fard des réalités sans pour autant se prendre pour un prêcheur. De toute façon, qui écoute encore ? Sûrement pas ceux occupés à construire des « châteaux de sable », ou des rappeurs qui ne sauraient pas changer une ampoule même à 15 réunis. Monsieur Saï se balade donc sur des prods adéquates aux textes (entendez par là lourdeur, décorum de parking désaffecté, samples de films à propos, ou simplement des instrumentaux pour laisser son crâne barboter en paix 2 minutes comme sur « 1000 ans d’amour »). « Quand on m’demande c’que j’fais d’ma vie j’sais toujours pas quoi répondre » déclare-t-il sur « Chien errant ». La réponse est peut-être dans le titre final suivant « On est pas des loups », qui cite avec finesse « Ces gens-là » de Jacques Brel, et qui invite à marcher en meute. Au vu de la situation, on a pas fini de hurler à la lune. Une Deuxième volte digitale bienvenue pour clôturer cette 2e année en Macronie, sûrement pour illuminer ce qui sent le sapin.

• GEORGIO – XX5
  

Retour aux affaires pour Georgio ! Après l’avoir laissé sur Hera et son extension Hpa, proposant par la même occaz’ un album aux avis mitigés, le rappeur du XVIIIe revient au rap d’hier et d’aujourd’hui avec XX5. Seize producteurs (oui seize, il en a fait exprès), trois collab’ (Vald, Isha et Victor Solf) et une dizaine de titres pour une sorte de retour aux sources. Qu’en est-il vraiment ? Dès le départ, on passe par la case « Hier » annonçant déjà la (belle) couleur  de l’album : ambiance sombre sur fond de basses 808 – XX5 s’annonce tout seul comme un grand. La première partie de l’album est même lourde de sens. Avec le superbe « Miroir », clef indispensable pour accéder à « Aujourd’hui » ou le puissant « Dans mon élément » avec Isha, on se laisse convaincre d’emblée ! Ouais, ce mec a quand même une plume à « revendre » ! Niveau prod aussi ! Que ce soit le sample de guitare sur « Brûle », ou le piano tristoune avec les petites notes de flûte sur « J’roule » ou bien la lenteur maîtrisée d’un « Akira » qui fera plaiz à Arm (ou pas). XX5 (comprendre par là son âge actuel) ne redescend pas et nous tient constamment sous tension. Car l’ambiance, c’est sans doute ce qui a été bossé par mille par Georgio. Chaque morceau se distingue et nous emmène parfois très loin comme sur « Coup pour coup ». En clair : aucun morceau n’est à jeter ! Celui qui a creusé sa propre tombe de ses mains pour la pochette de l’album signe avec XX5 un très bel épilogue pour cette année 2018. Bien ouej ! XX5 en mode XXL !

• BILLIE BRELOK - GARE DE L’OUEST
  

Après le 1er Gare de l’Ouest sorti au printemps, la rappeuse Billie Brelok revenait fin novembre avec son 2e volet. Chouette, le bruit des portes du train, la sonnerie, puis ça démarre sur des rails bien lourds. La prod  en guise de ballast, le flow part de façon aussi rythmée que précis sur « Sweep formol », taclant d’emblée cette société avec les mêmes qui triment, les mêmes qui trinquent, les villes qui se gentrifient, et toujours ceux qu’on assigne à la race. Un flow, qui prend pied sur deux continents, France et Pérou, dont le fil se retrouve sur le titre  « Día de los Muertos ». Parmi les trous de l’histoire, il y a celui des tondues de la 2de Guerre mondiale, sur « Fraulein » en feat avec Marc Nammour. Parmi les sons, autant des touches boom bap que des instrus plus voyageuses comme sur « Rubis sur l’onde »; mais ne vous-y trompez pas, ce n’est pas pour s’endormir sur un dancefloor trop festif : Billie Brelok rappe pour attaquer et vise juste. Une suite désormais à réunir avec le 1er opus désormais disponible en digipack. Idéal à s’offrir pour un voyage en train ou en métro.

• LOMEPAL – JEANNINE
  

« Ça y est, j’ai fini par avoir tout ce que je voulais ». Il avait marqué un gros coup avec FLIP à tel point qu’il fut élu meilleur album de l’année 2017 par moi-même. Lomepal, c’est l’histoire d’un petit mec, de son égo, de ses utopies, de son égo et encore son égo… mais pas que ! Cette fois-ci, il a atteint le « haut standing » et c’est une fois au sommet qu’on guette patiemment la chute du roi. C’est là qu’Antoine fait fort ! Car c’est à travers les yeux de sa grand-mère Jeannine que le Parisien aborde l’angle de tir de cet album. Rien qu’avec le titre et la pochette de l’album, il dévie de sa ligne de conduite : se raconter par le regard d’une autre. Une sorte d’héritage qu’il prend conscience pour celui qui a perdu sa mère-grand à 9 ans. « Quelqu’un qui accepte la folie de quelqu’un d’autre est nécessairement fou ». Entrecoupé par le témoignage de sa mère, Jeannine est un melting-potes de surprises mais aussi de recettes qui fonctionnent (malgré lui-même et son envie de ne pas les refaire) : Roméo Elvis qui rappe bien (oui, je ne suis pas toujours fan), Jeanjass qui fait du… Jeanjass, Orelsan que je trouve pas dégueulasse (avec une très bonne prod’ au passage) ou Katerine qui conclut philosophiquement l’album. Un méli-mélo qui perturbera les rappeurs les plus virils. Lomepal se veut plus « pop » qu’il ne « hip-hop » et c’était un tracé déjà annoncé. Ça donne des booms sonores comme « La vérité », « Le vrai moi« , « Trop beau » et le poignant « Évidemment » (best de l’album pour bibi), sorte de suite logique à « Ray Liotta« . « On va se dire la vérité », ce ne sera jamais FLIP ! Le pari est donc réussi car c’est bien un autre Lomepal qu’on découvre avec le temps. L’album de la maturité ? Demandez à Jeannine !

« Avec la solitude, on s’entend si bien
Des nuits noires et des jours gris ambiancés par l’transilien
J’respire la nuit quand y a plus personne dehors
Quand les gens heureux respirent corps contre corps »

[Hier] Georgio

LES AUTRES ALBUMS [EN UN CLIP] ///

Myth Syzer – Bisous mortels  / Mac Tyer – C’est la street mon pote  / Kalash Criminel – La fosse aux lions / OrelSan – La fête est finie – Épilogue / La Prune – Alambiqué(EP) / Kery James – J’rap encore / Tengo John – Hyakutake (EP) / L’Hexaler – En Parallèle / Freeze Corleone - Projet Blue Dream / A2H – L’Amour / Nelick – Dieu sauve KiwiBunny  / AL – PunchLife / L’or du commun – Sapiens

1. Youssoupha – Polaroïd Experience /// Parce que se remémorer les clichés de famille, c’est toujours sympa lors des fêtes !
2. ATK – Comme On A Dit /// Parce que les retrouvailles, ça se fête !
3. La Smala – 11h59 /// Parce qu’il y a besoin d’une traduction pour La Smala ?
4. Pumpkin & Vin’s Da Cuero – Astronaute /// Parce qu‘entendre du bon boom bap et autre choz’ qu’une voix masculine, ça fait plaiz’ à tout le monde
5. Brav – Nous sommes /// Parce que l’union sacrée, c’est… sacré

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Spiel : quatuor inspiré entre post rock et musique klezmer Bachar Mar-Khalifé : Ya Balad à l’Antipode Robert le Magnifique : Fuck the hell yeah !