Pronom masculin à La Paillette

Sur la scène du théâtre de la  Paillette jusqu’au 12 octobre, à travers le portrait d’un garçon qui ne s’est jamais senti à sa place dans son corps de fille, les jeunes comédiens de la compagnie Vertigo dirigée par Guillaume Doucey explorent le monde transitoire de l’adolescence dans une démarche d’ouverture bienveillante. Une comédie moderne douce-amère, drôle, rugueuse, délicate, incisive et pétillante. LITTÉRALEMENT.

Pronom-Vertigo-Robin Hammond

©Robin Hammond

C’est l’histoire d’un jeune lycéen qui veut se débarrasser de son corps-oripeaux de fille. Dean (Morgane Line Vallée) a 17 ans, il est en terminale et a commencé une transition. C’est l’histoire de ses parents qui ne comprennent pas ce qui a pu clocher chez leur enfant à qui ils ont prodigué, à l’instar de sa petite sœur,  une éducation de construction féminine classique et normée. Du genre chaussons de danse et univers ripoliné rose bonbon. Du genre à s’appeler Isabelle, pronom « elle » à l’extérieur.  Du genre à balancer ses poupées dans le plat de lasagnes et à attendre la venue d’une bite pour uriner dans les toilettes des hommes. Pronom « il » à l’intérieur. C’est l’histoire de Josh (Guillaume Trotignon), l’amoureux qui se revendique « pas gay » face à l’évolution du corps si désirable d’Isabelle au corps testostérone de Dean pourtant toujours si désirable. C’est l’histoire d’un pronom en mutation au fil des échanges entre Dean, sa famille, Josh et leurs amis de lycée pour accepter le passage du « elle » en « il ».

Avec Pronom, le metteur en scène Guillaume Doucey et directeur de la compagnie Vertigo, adapte un texte de l’auteur britannique Evan Placey, spécialisé dans le théâtre à destination des adolescents. Une comédie à la lisière du sentimental sans scorie  lénifiante avec de jeunes comédiens au  naturel ravageur, à la syntaxe moderne et à l’humour puisé dans une époque où « genre » se décline à toutes les sauces pas toujours bonnes à digérer.  Genre Dean aux portes de l’adolescence simule le bonheur pour plaire aux conventions sociétales. Genre Dean enfant porte un maillot identique à celui de sa sœur « même qu’on les appelle les filoutes » pour entériner à la vue de tous sa « féminité » en devenir. Genre Dean regarde un jour son corps aux seins naissants dans un miroir. Le regarde vraiment et comprend que ses attributs ne lui appartiennent pas. Il décide alors de s’assumer pleinement.

Pronom, ode à l’acceptation de soi.  Où les mots sont martelés et sortent des tripes.  Ainsi Dean devant les élèves de son lycée, ses professeurs et des inspecteurs académiques, déclame un discours coup de poing contre la tolérance-tiédeur : « tolérer c’est accepter que que son voisin écrive des textos au cinéma, je ne veux pas être toléré, je veux être admiré, aimé ou détesté ».  On est parfois très sérieux quand on a 17 ans. Par le prisme du cinéma également. Avec un coup de foudre pour James Dean à à l’âge de 13 ans après une tentative de suicide. Qui fera croire à sa mère qu’il a retrouvé le « bon chemin » parce que « c’est juste l’âge où rien ne va ». James Dean comme un Neverland refuge à qui il parle et qui lui répond. Une sorte de double à la silhouette juvénile et à la volonté farouche d’assumer sa vie.

Pronom, peinture ultra-réaliste de la jeunesse et de ses mutations.  La pièce est courte et pourtant constituée de multiples tableaux qui s’enchaînent à un rythme enlevé. Parce que l’adolescence n’attend pas. Parce que la fureur de vivre c’est maintenant et tout de suite. De la chambre de Dean au lycée, en passant par le festival de Glastonbury en Angleterre jusqu’aux toilettes d’un bar, le couple Dean/Josh se cherche, se perd, se quitte, se bouscule, se reconstruit. Tandis que les parents  de Dean à la fois féminin et masculin sous les spotlights des tropismes, effectuent à leur tour leur transition (dans la douleur), celle in fine de l’acceptation pour  prononcer « mon fils » avec fierté.  Changer la donne pour réécrire les contes. « Il était une fois un garçon ».

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