Lo’Jo : fleurs éphémères

Dans le cadre du festival J’agis pour ma planète à Chartres-de-Bretagne, le groupe Lo’Jo donnait un concert le vendredi 28 septembre. Rencontre avec Denis Péan et retour sur leurs [Fonetic flowers], titre de leur dernier album.

Le centre culturel Pôle Sud s’agitait en cette fin septembre pour la 2e édition de J’agis pour ma planète, et un concert qui lançait la saison 2018-2019, avec une nouvelle programmatrice à sa tête, Marine Thébault, bien décidée à instiller un souffle rafraîchissant au lieu. Le concert de Lo’Jo prenait place halle de la Conterie; « une salle de sport ? J’ai aperçu un panneau de basket », s’amuse Denis Péan en entrant sur scène. Autour de lui, ses compagnons qui forment Lo’Jo; un groupe inclassable qui distille depuis 30 ans des chansons colorées, poétiques, de petites pépites musicales et verbales.

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Avant le concert, petit temps de discussion avec Denis Péan, tandis que le groupe continue les balances. Réponses sur fond de n’goni et de percussions, ce qui ne s’entend malheureusement plus mais vous pouvez toujours imaginer.

Avec plus de 30 ans d’aventure et 15 albums, comment vous résumeriez Lo’Jo aujourd’hui en quelques mots ?

Je peux le résumer en une seule chanson; une chanson c’est court mais quelque fois ça représente une éternité. Il n’y a que les chansons pour exprimer en quelques secondes un sentiment et l’expérience d’une vie.

Le dernier album a été enregistré aux quatre coins du monde; qu’est-ce qui est le plus important, la destination ou le temps du voyage ?

Je fais pas de hiérarchie, le présent est partout. Même quand tout est arrêté, le présent est vivant; c’est là où on est quand on y est.

Ce disque justement vous l’avez présenté comme un « bouquet », un « petit atlas de vos géographies »; pensez-vous qu’un bouquet musical puisse faner et que cet atlas a des vertus d’exploration  ?

Il y a des musiques qui fanent effectivement; d’autres qui avec le temps gardent toujours leur fraîcheur, ça c’est pas à moi de le dire, le temps n’est pas assez passé. On passe sa vie à explorer, même quand on reste sur place, même quand on n’est pas musicien, si toutefois on a un peu de curiosité. On passe sa vie à explorer soi-même, les autres, le temps qui passe, notre époque. On est des explorateurs de la vie, et on est jamais à bout de notre apprentissage.

« retracer des parts d’émerveillement »

denis-peanDans une interview, vous déclariez que « l’accident est l’allié de l’artiste » ou encore que vous êtes « dans une quête permanente de l’indicible »; est-ce que c’est pas fatiguant à la fin ?

C’est ce qui m’intéresse, c’est ce qui me plaît, c’est sans doute même peut-être ma mission, entre guillemets, de quêter ce qu’on ne peut pas dire. Et il y a des façons de traquer l’indicible; la musique en est une belle, la poésie aussi, ça fait deux tout de même pour arriver à retracer des parts d’émerveillement dans des moments qui ne s’attrapent pas, qui ne s’expliquent pas et que tout le monde connaît. Tout le monde a envie de dire, a envie de l’exprimer, la poésie c’est un bon moyen pour faire ça.

Il y a beaucoup de création graphique autour du groupe, en dessin ou les photographies de 310 lunes; ça vous importe autant que la musique ?

J’aime créer des systèmes humains, j’en ai fait un avec le groupe, en créant un lieu de résidence pour artistes. Un disque aussi c’est un système collectif. La musique a tellement de connexions avec tout ce qui est en mouvement, le son c’est le frère des images.

Sur l’écriture vous déclarez qu’elle est spontanée, que le groupe même ne connaît pas vos sources d’inspiration; mais qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire au départ?

C’est une obsession qui s’explique pas. Ça s’est révélé à moi que c’était mon domaine, là où j’allais aller. J’ai pas plus d’explications que ça, sinon que ça me plaît, que ça me réjouit, et que ça m’éveille toujours d’avoir à écrire, même si c’est pas toujours facile d’avoir à mettre sur une page des possibilités, une dramaturgie de l’écriture.

Et vous continuez à découvrir des plumes singulières ?

Je lis. J’écoute. Sans les autres je serais pas grand-chose, je suis jamais qu’un héritier. J’ai ma personnalité qui fait que Lo’Jo ressemble à rien d’autre, mais en dehors de ça tout le reste est héritage.

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En 2013 vous jouiez à la Zad de Notre-Dame-des-Landes; est-ce que vous continuez à suivre ces luttes écologistes, les espaces de réappropriation ?

J’y suis attentif. On me sollicite beaucoup, pour d’autres causes; on est extrêmement sollicité quand on est musicien pour soutenir quelque chose qui a besoin de nous. Si le projet nous tient à cœur on le fait. Prochainement on va jouer pour une association qui s’appelle Une fête pour toit, toit comme un toit de maison pour des gens qui n’ont pas de logement. On nous sollicite aussi pour la question des migrants, ce qui veut dire qu’il y a un problème; un problème grave, tous les jours des gens se mobilisent, donnent leur vie pour résoudre les problèmes de personnes en difficulté. Ils le font sans doute à la place des gens qui devraient le faire, l’État, particulièrement, désengagé, et qui peut se reposer sur des gens qui ont une conscience à sa place.

Vous jouez ce soir pour le festival J’agis pour ma planète; c’est peut-être pas aussi binaire mais vous êtes plutôt optimiste, pessimiste, vous avez une démarche personnelle par rapport à ça ?

Je suis pas assez averti sur le sujet pour être ni pessimiste ni optimiste. On m’alarme, et en même temps je trouve de l’espoir dans la vie, dans le destin du monde. Il y a aussi de quoi être très inquiet, d’être conscient qu’on peut plus être indifférent à cet aspect-là, ça me préoccupe. Ça m’a toujours préoccupé.

Vous travaillez sur un nouveau disque ?

Oui, on a déjà fait pas mal de musiques et de textes pour ça, c’est le début, les esquisses.

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Le concert a ensuite eu lieu. Des titres qui couvraient l’ensemble de leur discographie, des belles harmonies de « J’allais » aux rythmes de « Tu Benes », en terminant par « MojoRadio », Lo’Jo a transporté le public pendant plus d’une heure et demie. Ponctué de petites interventions de Denis Péan (qui nous rappelle, en quelques mots, la beauté de l’éphémère), traversé par la danse de Yamina Nid El Mourid (qui joue aussi du n’goni, du saxophone soprano ou encore du kayamb), le concert voit se déplier la poésie dans l’atmosphère de la salle. Les percussions s’échangent entre Yamina et Nadia, l’archet du violon tressaille et les visages s’illuminent. « Tout est fragile, important, fugitif, tout est éternel ».

Le site de Lo’Jo // Le site du centre culturel Pôle Sud

Merci au groupe et au centre culturel pour leur accueil

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