**Premier coup de mou après la rentrée ? Lisez À même le sol de Salch, Science Foot de Pierre La Police et Macron, l’Amour fou de Willem, trois albums à l’humour mordant et révélateur.**

Une chaussette de sport sale gît à même le sol, livrée à ses pensées existentielles et ses tourments intérieurs. Un avec un trait vif qui fait penser à Reiser, l’auteur de l’acide et hilarant Lookbook (2016) explore le vide et l’inconscient tourmenté d’une humble chaussette, néanmoins assez hargneuse. Au cours de ses rêves débridés, elle rencontre Dieu et explore ses fantasmes sexuels débridés. Méditant sur l’absurdité de l’existence, même son effort pour communiquer avec les miettes de pain jonchant le sol est voué à l’échec. Il y a quelque chose de Beckett dans cette immobilité et cette impuissance. Un album assez conceptuel jouant sur le principe de répétition : la chaussette sale, un Sisyphe contemporain ?

À même le sol de Salch, éditions Les Requins Marteaux, paru en août 2018, 13 €

« Suite au problème d’insultes racistes et de banderoles créationnistes, un biophysicien propose des mesures concrètes » « Pourquoi les mascottes des équipes n’ont pas le droit de jouer aussi ? »

Si vous avez souffert pendant la Coupe du monde, cet album est fait pour vous : Pierre La Police récidive avec le tome 2 de Science foot sorte de recueil d’anecdotes absurdes sur un monde footballistique où Lionel Messi est une saucisse. Se basant sur des travaux de généticiens, linguistes et footballogues, l’auteur arrive à une conclusion irrémédiable : dans le foot, il y a du bon et du moins bien. Le dessin difforme et faussement naïf renforce la pertinente ineptie des textes qui ne sont parfois pas si éloignés des brèves de Yahoo actualités. À la différence qu’ ici le non-sens est intentionnel.

Science Foot Tome 2 de Pierre La Police, éditions Cornélius, paru en mai 2018, 12,50 €

Dessinateur de presse depuis 1968 (dans les premiers numéros du journal Hara-Kiri qui deviendra plus tard Charlie Hebdo), l’infatigable Willem présente ici ses dessins exécutés pendant la campagne présidentielle de 2017 et la première année de présidence Macron. Toujours mordant et percutant, l’auteur analyse la montée du macronisme, son narcissisme exubérant, engendrant la défaite parallèle des mouvements traditionnels de gauche et de droite. La confusion régnant à gauche est caricaturée avec une grande acuité, jouxtant la récupération des diverses idéologies par le mouvement En Marche.

Avec son trait énergique, il démontre l’hypocrisie de certaines propositions et la réalité souvent brutale qui gît derrière les éléments de langage politique. D’ailleurs, l’auteur se moque avec pertinence de toutes les « opérations de communication », cache-misère qui musèlent la pensée. Un album qui fait du bien en restituant une critique juste de la politique, le talent de Willem étant de faire jaillir les implications d’un discours ou d’une situation, d’en éclairer le sens profond. L’humour est ici une forme plus éclairante que bien des discours.