Invasion : quel concept accepteriez-vous de perdre ?

Imaginez des êtres humains perdants au fur et à mesure leurs concepts (fierté, famille, amour). C’est l’humanité que continue d’explorer Kiyoshi Kurosawa, avec son dernier film Invasion.

 

Etsuko travaille dans une usine de textile, quand sa collègue Miyuki se voit soudainement frappée d’un mal singulier. Prenant son père pour un fantôme, elle a totalement perdu le concept de la famille. D’autres cas apparaissent aux quatre coins du globe. Etsuko vit aussi avec son ami Tetsuo, qui lui travaille dans un hôpital, et se met également à avoir un comportement étrange, tout comme son nouveau supérieur, le docteur Makabe.

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Makabe est en train d’effrayer Etsuko, qui n’a pas tardé à découvrir le pot aux roses.

L’explication de ces disparitions de concepts ne tarde pas à apparaître (45 minutes tout au plus) et préfigure la disparition totale de l’humanité à la surface de la planète. Kurosawa, toujours inspiré par la pièce de théâtre Avant que nous ne disparaissions de Tomohiro Maekawa, réalise ici une version plus minimaliste de son film du même nom sorti peu de temps auparavant. Et même s’il est fasciné par l’anéantissement, il ne le met pour autant en scène; l’intérêt n’est pas dans la catastrophe annoncée mais dans cette étude des concepts dont la somme constituerait un être humain. L’amour en tête, et cette anatomie des émotions passe principalement à travers le prisme du couple Etsuko-Tetsuo; l’amour, sorte de degré ultime, qui serait le meilleur concept d’une humanité en échec, et où la cellule couple passe avant le salut de l’humanité. Mais le réalisateur se garde bien de toute morale, analysant plutôt finement les mécanismes de ces concepts, en se moquant quelque peu de leurs conséquences; impossible de savoir ce qu’il advient de cette cheffe d’entreprise subitement privée de sa fierté.

Ambiances étranges, quelques touches d’humour, une angoisse parfois palpable, Kurosawa délivre ici une conscience fiction (Chessel, Libération) qui flirte avec l’anticipation; l’apocalypse pourrait avoir lieu finalement n’importe quand, lorsque Miyuki évoque au début une liste des causes probables, parmi lesquelles, le nucléaire. Sans effets spéciaux, le réalisateur parvient à embarquer le spectateur dans une sensation d’angoisse sourde qui va interroger les limites et caractéristiques humaines, le tout dans un lyrisme mesuré. Deux heures d’une Invasion cinématographique bienvenue.

Invasion – Un film de Kiyoshi Kurosawa – Avec Masahiro Higashide (le docteur Makabe) , Kaho (Etsuko) , Shôta Sometani (Tetsuo) – 2h20 – Sorti le 5 septembre 2018

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