Nanette est diffusé depuis mi-juin sur Netflix, et nous avons pris le temps de découvrir ce spectacle, une des meilleures références (fort fort nombreuses et inégales) du site. Un seule-en-scène féministe et intimiste malgré le vaste public, qui passe du rire franc aux larmes avec intelligence, et questionne le rôle de l’humour.

« Je pense qu’il est temps que j’arrête de faire de l’humour. Sérieusement, ce n’est probablement pas l’endroit idéal pour faire ce genre d’annonce, mais j’ai beaucoup réfléchi à ce métier et je ne me sens plus de le faire aujourd’hui. »

Nanette est donc le dernier spectacle d’Hannah Gadsby, comédienne australienne ouvertement lesbienne et butch. Elle a un phrasé de caractère et un talent certain pour mener la conversation (à un sens certes) avec le public, se basant sur sa vie en Tasmanie puis en Australie. Elle raconte son coming out dans une famille homophobe (et une île qui a dépénalisé l’homosexualité en 1997 seulement), sa lesbophobie longtemps intériorisée, ses études d’histoire de l’art peuplées d’hommes réputés malgré leur comportement dans le privé et la figure de Van Gogh l’artiste maudit, les viols et les agressions, et sa supposée haine des hommes. Et le sourire revient malgré la dureté de son vécu.

Hannah Gadsby ne fait pas ça pour se faire plaindre, elle n’en a pas besoin, elle fait ça pour se « sentir moins seule », que son histoire ne soit plus racontée pour faire rire (forcément à ses dépens) mais pour créer du lien, ne plus en souffrir, et démontrer que l’humour n’est pas à prendre à la légère, et « sa liberté d’expression [à prendre] avec responsabilité ». Une performance corrosive et tendre à la fois, qui instruit et donne espoir, à voir absolument.

« J’ai construit ma carrière sur l’autodérision et l’humour auto-dépréciatif, et je n’ai plus envie de ça. Est-ce que vous comprenez ce que signifie l’autodérision quand elle est produite par quelqu’un qui appartient déjà aux marges de la société ? Ce n’est pas de l’humilité, c’est de l’humiliation. Je me rabaisse pour avoir le droit de parler, pour obtenir le droit de parler. Je refuse de me plier à cela désormais. »