Fioul, de Stéphane Grangier : un polar au héros très attachant sur fond de marée qui tache.
Après Hollywood-Plomodiern (qui a cartonné dans le Finistère Sud et qui, qui sait, cartonnera un jour en Californie) et quelques incursions dans le monde du texte court avec des participations à quelques remarquables recueils (notamment Sandinista ! Hommage à The Clash, 3 tomes regroupant 36 textes de 36 auteurs avec une préface de Caryl Férey), Stéphane Grangier revient avec Fioul.
Fioul, c’est l’histoire d’un écrivain rennais un peu paumé, Marc Riplé. Il fait la connaissance d’une entraîneuse, Sandrine, un peu camée sur les bords et un peu cramée jusqu’à la moelle du fait de ses relations sulfureuses avec des petits malfrats dont on pourrait dire que le terme « petites frappes » a été spécialement inventé à leur intention. Une entraîneuse en entraînant une autre, Marc fait la connaissance de Gladys, qui surgit dans sa vie de façon pour le moins encombrante puisque, dans son sillage, vagissent et fulminent ceux qui viennent d’avoir la peau de Sandrine. Marc et Gladys ne vont pas avoir d’autre choix que la fuite. Mais quitter Rennes ne va pas être simple.
Fioul décrit une France en plein été, sous état d’urgence. Une France où les violences se multiplient et où la police en sous-effectifs s’agite pour en retrouver les auteurs et retracer le fil des événements. Mais s’il est question de crimes aussi ignominieux que spectaculaires liés à la drogue et à la thune, il est aussi question de la grande délinquance en col blanc, moins visible celle-ci, liée à la cupidité des élites dirigeantes, aux politicards véreux, à l’évasion fiscale, aux détournements de fonds, aux abus de biens sociaux, à la prédation industrielle, au trafic juteux de matière première, à l’optimisation des profits de quelques êtres veules et sans vergogne au détriment du bien commun et des écosystèmes. Le tout avec quelque catastrophe maritime pétrolière en arrière-fond – d’où le titre.
Les personnages pathétiques et malchanceux comme ce Riplé aux prises avec un destin qui le malmène mais qui conservent néanmoins un incompressible fond de bonté, côtoient ou fuient dans Fioul les pires crapules. C’est ce contraste et ces échanges entre la dignité des pauvres hères et la puissance glaciale et assez répugnante des psychopathes qui pullulent (aussi bien dans les bas-fonds que les hautes sphères de notre société), qui font la saveur de Fioul. À déguster sur un plage épargnée par les marées noires ou les marées vertes.
Fioul, roman noir de Stéphane Grangier, Éditions Goater, coll. « Goater Noir », Rennes, 2018, 512 pages, 20 € (illustration de la couverture par Pierre Macé).