Kindertotenlieder : un tableau qui prend vie pour parler de la mort

Le temps de patienter avant la découverte de Crowd qui sera présentée en 2018 au TNB, Gisèle Vienne est revenue au Triangle dans le cadre du Festival avec ce qui est sans doute sa pièce la plus emblématique, Kindertotenlieder, créée en 2007. Un mélange de danse, théâtre, marionnette et musique live infusé d’érotisme et de mort, le couple qui ne quitte jamais le travail de la chorégraphe franco-autrichienne.

 

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« Thank you for coming to this memorial concert for my friend, and I want to thank one of his favorite band for agreeing to play here today. He was my friend since we were 12 years old, and I know he would have… »

Une scène de rue sous la neige, quatorze silhouettes immobiles (cinq danseurs et neuf poupées) vêtues en noir et logos de groupes de métal, un cercueil à gauche, près de deux musiciens (Stephen O’Malley et Peter Rehberg) et un micro, des caisses de bières à droite. Telle est l’ambiance d’ouverture de Kindertotenlieder, nom qui signifie « Chants sur la mort des enfants » et faisant référence aux poèmes de Friedrich Rückert ainsi qu’aux Perchten de la tradition autrichienne qui punissent les âmes damnées durant l’hiver, et surgissent sur scène.

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Le plateau est recouvert d’une neige aussi vraie que nature et quand la lumière s’allume, le spectateur se prend au jeu de savoir quelles silhouettes sont réelles et lesquelles ne le sont pas. Dans un monde qui va de plus en plus vite, Gisèle Vienne fait ici le choix inverse : les personnages s’animent au ralenti, comme des marionnettes manipulées par des fils invisibles. Les protagonistes livrent un travail de gestuelle précis et minutieux durant toute la durée de la représentation. Tout en lenteur et en obscurité, la trame narrative et chorégraphique est le récit de Jonathan (comme Jonathan Capdvielle, interprète fidèle à Gisèle Vienne), d’une poupée garçon meurtrière, une autre suicidaire et d’un fantôme, quatre voix issues de la plume de Dennis Cooper, autant d’angles pour regarder la même histoire de meurtre, de sexe et d’ennui adolescent, la même cérémonie funèbre racontée en playback, mise en abîme du spectacle. Le tableau est sombre mais d’un esthétisme remarquable. Ce décor glacial est appuyé par une musique électro/métal qui l’est tout autant, et les boules en mousse distribuées à l’entrée ne sont pas de trop. La pièce évoque les pulsions les plus morbides de l’être humain puisqu’elle traite de la violence et de la mort. La violence (aussi bien physique que mentale) qu’on inflige aux autres, mais aussi celle qu’on subit ou que l’on s’impose à soi-même. Ces sujets tabous sont les symboles des fantasmes les plus tordus dans les cultures traditionnelles autant que dans les mentalités contemporaines, et c’est ce que Gisèle Vienne cherche a nous démontrer. En jouant avec, la chorégraphe nous livre une mise en scène sans concession aussi attirante que dérangeante.

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Que l’on aime ou non, une chose est sûre, Kindertotenlieder ne laisse pas indifférent et fait partie des représentations qui marquent la mémoire de tout spectateur. Gisèle Vienne sera de retour en février à Rennes sur la scène du TNB pour présenter son spectacle Crowd.

Le Festival TNB continue jusqu’au 25 novembre

Article co-écrit avec Lucie Inland

Photographies ©Mathilde Darel

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