Des hashtags Instagram aux émissions de télévision en passant par les événements culinaires (comme le Marché à Manger qui a lieu chaque saison à Rennes) la cuisine est une tendance forte ces dernières années, qui touche tout le monde. Mais la « bouffe » faisant partie de – voire n’étant pas tout court – la vie elle n’est pas épargnée par les oppressions, et c’est la misogynie qui passe à table dans Faiminisme, le premier ouvrage de la journaliste et traductrice française Nora Bouazzouni.
Deuxième publication de la jeune maison d’édition Nouriturfu, après Skin Contact d’Alice Feiring, Faiminisme est une très bonne synthèse du sexisme dans ce vaste sujet qu’est la nourriture, ainsi qu’un bon rappel pour les personnes déjà sensibilisées. Ça se lit vite et bien, avec un style clair et direct, même si le propos est dense, avec des annotations pour aller plus loin (comme l’incontournable Beauté Fatale de Mona Chollet).
« La femme nourrit à but non lucratif, elle doit se dévouer « corps et âme » dans une démarche quasi religieuse de don de soi. Un acte social incompatible avec tout mercantilisme, qui lui ôterait dès lors cette dimension sacrée. L’inverse de la sainte n’est-elle pas la putain qui vend son corps à fonction productive et reproductive ? »
Nora Bouazzouni fait de son entrée la misogynie dans la cuisine professionnelle, avec son manque de représentation féminine et les abus dans les brigades. Elle attaque ensuite la pièce en résistance qu’est l’histoire de la répartition genrée de la production et gestion de la nourriture autant dans les cercles professionnels que domestiques, sa représentation (comme le mythe des hommes dépendants de la viande et des femmes condamnées à une minceur et un appétit contrôlés), et la charge mentale que portent les femmes ayant un rôle nourricier dans leur foyer. Il y a également un parallèle intéressant entre l’exploitation animale et féminine dans la production et consommation de nourriture. Le livre finit sur une note positive appelant à la sororité et au militantisme bienveillant. C’est grâce à ce genre de réflexion que les choses bougeront un jour autour de nos assiettes – sans oublier le vin qui n’est pas en reste comme le dénonce la jeune association Women Do Wine.
Faiminisme, 120 pages, 14 euros. Il est disponible à partir du 1er septembre en librairie (chez La Nuit Des Temps et les autres libraires rennaises). On peut aussi le commander directement auprès de Nouriturfu.