« I’ll see you again in 25 years » : les derniers mots de Laura Palmer prononcés à l’agent Dale Cooper dans la Loge à la fin de la deuxième saison en 1991 furent bien prémonitoires. David Lynch et Mark Frost ont tenu la promesse de leur héroïne en relançant la série en 2016. Après un report de diffusion, la série a fini par arriver en France cet été.

Relancer une telle série un quart de siècle après est un pari risqué. Après la déception du retour de X Files, autre série monument des années 1990, annoncé en même temps, qui est resté sur ses acquis essoufflés par le temps, on pouvait craindre la même chose mais il n’en est rien. Cette troisième saison est donc la suite directe des deux précédentes , la narration reprend 25 ans après la sortie de la Loge de l’agent Dale Cooper possédé par Bob.

D’abord un avertissement : il faut vraiment avoir vu toute la série puis le film avant sinon on ne comprend vraiment rien, et il y a quelques scènes assez violentes avec du sang et des cadavres. Il y a aussi des références à d’autres œuvres de David Lynch, conscientes ou pas mais qui font tilt dans le cerveau de quiconque connaissant son travail : Eraserhead pour les séquences en noir et blanc étranges, l’évasion de la prison rappelant Lost Highway, Une Histoire Vraie avec Carl Rodd propriétaire du camping La Grosse Truite (l’acteur Harry Dean Stanton joue dans les deux), les peintures et les sculptures de Lynch qui modèlent les apparitions et le curieux ours en peluche chez la grand mère du fils Horne, la perruque blonde comme dans Mulholland Drive. L’artiste ayant annoncé arrêter le cinéma pour se consacrer à son travail plastique, on peut d’autant plus voir cette saison comme un condensé de son travail, auto-référencé mais aussi poussé encore plus loin.

On y retrouve d’anciens personnages : l’agent Dale Cooper et ses doubles, Laura Palmer qui réapparait dans la Loge où elle réside toujours, sa mère Sarah Palmer qui vit dans la même maison, Catherine Lanterman la Femme à la Bûche (aussi mourante que son actrice, Catherine Coulson, décédée juste après le tournage), Audrey Horne, et un bon nombre des habitants de Twin Peaks (comme Norma et ses délicieuses tartes avec Shelly au service ou Andy et Lucy au poste de police) qui ont continué leur vie tranquillement, ce qui les rend tous de nouveau attachants. On renoue aussi avec l’esthétique de la série : sens de l’espace et de la composition des cadres, de la lumière (et l’obsession de Lynch pour celle-ci), le rythme anxiogène, la décoration des intérieurs surtout domestiques.

Mais il y a aussi une volonté d’égarer le spectateur, creuser encore plus loin dans la mythologie de la série. C’est notamment ce qui se passe dans le fameux épisode 8 où la narration explose littéralement à l’écran après le concert de Nine Inch Nails (projet mené par Trent Reznor, autre collaborateur dans le passé de David Lynch) et qui a laissé un paquet de spectateurs aux réactions hagardes sur les réseaux sociaux après sa diffusion. Comme toujours on peut se perdre facilement mais il y a quelques indices au fur et à mesure pour qui maîtrise l’univers de Lynch (ou au pire une recherche sur internet), pour le reste on espère avoir des réponses dans les deux prochains épisodes pas encore diffusés. Et si jamais ce n’est pas le cas on aura quand même aimé replonger dans les mystères de cette ville paisible en apparence mais traversée par l’étrangeté, et d’une des meilleures séries ayant jamais existé.