HHhH : un film historique français de Cédric Jimenez.
J’aime ces films – surtout quand il y a plein de nazis dedans – dont on connaît déjà l’issue, comme dans le cas des biopics, forcément, qui parviennent néanmoins à captiver.
HHhH décrit ainsi l’ascension, rapide, et la chute, brutale, de Reinhard Heydrich (1904-1942), ci-contre. Celui-ci (interprété ici par Jason Clarke), après avoir été renvoyé de la Reichsmarine en 1931 pour une sombre histoire de cul, d’honneur de la Marine et d’infidélité, se rapproche du Parti nazi. Il se marie avec Lina von Osten (1911-1985), (Rosamund Pike) elle-même issue d’une famille de fervents nazis, et est engagé dans l’organisation Schutzstaffel (SS) alors en plein essor, par Heinrich Himmler (1900-1945) lui-même (Stephen Graham).
Aussitôt placé à la tête du tout nouveau service de renseignement nazi, il est rapidement promu Hauptsturmführer, puis Sturmbannführer, Standartenführer, et Gruppenführer après la nuit des Longs Couteaux durant laquelle les dirigeants de la Sturmabteilung (Section d’assaut – SA) d’Ernst Röhm (1887-1934) sont liquidés par les SS sur ordre du Führer convaincu que la SA ourdissait un complot contre lui.
La cruauté et la détermination de Heydrich le placent à la tête des terrifiants Einsatzgruppen, chargés lors de l’invasion de la Pologne d’exterminer les opposants en général, et les juifs en particulier. La Wehrmacht, l’armée régulière, apprend à fonctionner de concert avec les sanguinaires et impitoyables Einsatzgruppen. Dans la foulée, Heydrich, à l’apogée de sa paranoïa antisémite, co-organisera la planification abominablement technocratique et minutieuse de la Shoah, la « solution finale » visant à éliminer tous les juifs d’Europe.
Le zèle aryen de Heydrich le hisse bientôt au sommet du Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sécurité du Reich – RSHA) qui inclut la très sinistrement célèbre Gestapo (Geheime Staatspolizei). En 1941, Hitler fait de lui l’équivalent d’un homme d’État, le nommant adjoint au gouverneur du protectorat de Bohème-Moravie, et signant ainsi sans le savoir son arrêt de mort. Installé avec sa famille nombreuse à Prague, il y fait régner la terreur. Ce qui conduit les Alliés, aidés en cela par la Résistance tchèque et slovaque représentée par Jan Kubiš (Jack O’Connell) et Jozef Gabčík (Jack Reynor), à projeter sa liquidation. Et ce, malgré les représailles épouvantables qui risqueront inévitablement de s’abattre sur la population civile.
Lina Heydrich (Rosamund Pike) et son fils… une famille nazie heureuse et une épouse aveugle au mal qu’incarne son époux. Pour la petite histoire, « poursuivie et condamnée lors du processus de dénazification en Allemagne, Lina Heydrich multiplie les procédures pour se voir finalement disculpée ; elle intente ensuite procès sur procès et finit par obtenir une pension sur la base d’un jugement déclarant que Reinhard Heydrich avait été victime d’un acte de guerre » (cf. Wikipédia).
Tranche d’histoire aussi épique qu’effroyable, HHhH esquisse le portrait d’un bourreau, suggère l’héroïsme de la Résistance et décrit la violence sans limites et sans égales d’un IIIe Reich conquérant, dont l’assassinat de ce haut dignitaire amorce l’inéluctable déclin.
PS : On pourra juste regretter que dans la version originale, les acteurs s’exprimassent en anglais – et non en allemand comme l’auraient voulu les puristes – ce qui contribue à ôter un peu d’authenticité à cette œuvre ambitieuse (28 millions d’euros de budget quand même) aux relents quelque peu mélodramatiques – surtout dans les dernières scènes, au lyrisme appuyé, lorsque les auteurs de l’attentat contre Heydrich sont cernés par les SS dans l’église orthodoxe pragoise Saint-Cyrille-et-Méthode.
HHhH, film historique français de Cédric Jimenez – Avec Jason Clarke, Rosamund Pike, Jack O’Connell, Jack Reynor, Stephen Graham… – Adapté d’un roman éponyme de Laurent Binet (Grasset, Paris, 2010, prix Goncourt du premier roman) dont le titre est l’acronyme allemand de « Himmlers Hirn heißt Heydrich » (« Le cerveau d’Himmler se nomme Heydrich ») – Durée : 2 h – Sortie en France le 7 juin 2017.