Bonjour Oncle Grésillard – Libelle pour tordre le cou aux métaphysiques des bourreaux, de B. Torsvan : une lecture à tiroirs pour gibiers de potence et autres vauriens qui ne souhaiteraient pas finir au bout d’une corde, ni au fond d’un placard.
Leur tordre le cou, à ces métaphysiques des bourreaux, 32 courts chapitres qui se lisent comme des petites nouvelles, s’y emploient. Des illustrations en n & b de l’Allemand Franz-Wilhelm Seiwert (1894-1933), parues initialement dans une revue anticléricale anarcho-pacifiste munichoise Der Ziegelbrenner (Le cuiseur de brique)*, tandis que la « Der des Ders » battait son plein, les ponctuent. Et ce n’est pas un hasard. Un prologue, un entracte et un épilogue extraits d’un recueil de Jacques Prévert (1900-1977) ficèlent le tout. Enfin, un pamphlet de Ret Marut (« Antagonisme », 1921), voir photo ci-contre, parachève l’ensemble, exhortant à choisir la posture raisonnable qui convient – la seule, peut-être, même si elle semble bien rude : « Si tu peux faire rentrer l’entièreté de ce que tu possèdes dans un sac qui ne t’arrive pas plus haut que la hanche, que tu peux porter ce sac sur tes épaules alors tous les canons se mettront à rouiller, et les remparts des citadelles s’effondreront au son de la flûte des bergers. (…) Aussi longtemps qu’il y aura des affamés à côté des repus, la pitié des repus ne sera que mépris, et la pitié des affamés à l’égard des victime rien d’autre que l’entérinement et la reconnaissance du droit des repus à se rassasier sur le dos des affamés. Écoutez (…) ! Pensez (…) ! Mais ne croyez pas ! (…) Ne faites confiance qu’à votre propre puissance!«
Les mots de Ret Marut comme le libelle de B. Torsvan sont imprégnés de l’air du temps intemporel que pulsent les collectifs révolutionnaires tel le Comité Invisible, les poètes visionnaires comme Wilfried Salomé (cf. Le Code, 2012, 152 p., 12 €, ou Expérience de vie imminente, Éditions de la rue nantaise, Rennes, 2017, 166 pages, 13 €), les philosophes comme Cynthia Fleury (f. Les Irremplaçables, Gallimard, Paris, 2016, 224 p., 16,90 €) et Olivier Chiran et Pierre Muzin (cf. Signes annonciateurs d’orages, Éditions Pontcerq, Rennes, 2014, 244 p., 13 €) et qu’inspirent goulûment tous ceux qui aspirent à un monde meilleur. Face au monde infâme et à ses hydres qui nous menacent, tous se rejoignent sur un même constat qui ne date donc pas d’hier : les vaincre, ce n’est pas gagné… Mais hors de question de se résigner.
« Contre ces tristes discours de matons et de curés, nous déclarons que, quitte à finir malheureux, nous préférons avoir essayé de jouer quelque chose qui puisse avoir du sens, un truc qui vaille le coup, qui fassent que nos vies en vaillent la chandelle, plutôt que de finir tristement comme tous ceux qui n’ont jamais rien désiré d’autre que ce qu’on leur a permis de désirer. Il y a un pari ici mais aussi un combat à mener contre la bêtise, contre ses soldats et ses institutions. Un combat pour le sens. Un combat contre le cynisme et toutes ces petites lâchetés qui consistent à relativiser les compromis qu’on nous pousse à faire. » (chapitre 4)
* La revue Der Ziegelbrenner (voir une des unes ci-dessus) a été fondée par Ret Marut, pseudonyme de B. Traven et de… Berick Torsvan (1882-1969), homme aux multiples facettes, qui eut plusieurs vies (mécanicien, militaire, syndicaliste actif, écrivain, acteur, réalisateur, militant politique, fugitif, exilé à Londres et Mexico, traducteur, voyageur…) et que les Éditions des Bricoles et L’Imprimerie Nocturne vous invitent à re·découvrir.