Mythos 2017: The Legendary Tigerman

Jeudi 6 avril, dernière partie de soirée, le Cabaret Botanique entre en éruption. The Legendary Tigerman et son groupe, venus de Lisbonne et entamant leur tournée européenne, ont asséné au public de Mythos un blues-rock brûlant et sensuel, imparable. Partant d’un blues lascif et entêtant en début de set, le trio guitare-sax-batterie chemine crescendo vers un rock explosif et débridé, pour terminer en transe rock au milieu d’un public déchainé. Sur scène, la « Wild Beast » est lâchée ; quelques heures avant le concert, l’Imprimerie a pu rencontrer Paulo Furtado.

 

■ Pour commencer, qui est Tigerman ? D’où vient-il, comment est-il arrivé ?

Il était comme un personnage, lorsque j’ai commencé, en tant que one-man-band. Le nom vient d’une chanson de Rufus Thomas, « Tigerman King of the Jungle » ; « The Legendary » vient d’un autre one-man-band des 50′s, qui s’appelle « The Legendary Stardust Cowboy ». Les one-man-band ont toujours des noms très compliqués!

Ça a commencé comme ça, pendant 5 albums, j’ai fait presque toujours mes albums en prise directe, comme one-man-band, voix saxophone et batterie ; le dernier album à paraître en septembre s’est enregistré comme ça, au Rancho de la Luna, en Californie, dans le désert de Joshua Tree. Il est un peu plus rock’n roll ; on est toujours un trio, mais dans le trio il y a un peu de one-man band. C’est assez intuitif en fait: comme c’est moi qui fais toutes les chansons, la composition, les choix esthétiques, c’est facile de commencer comme one-man-band et puis d’aller vers le groupe, qui va amplifier la musique, la rendre plus puissante.

 

DSC_0100

 

■ Après Femina, album sensuel composé de duos avec des musiciennes et chanteuses, et True, plus blues, plus spectral, à quoi ressemble ton son pour ton prochain album ?

À chaque nouvel album, j’essaye de me réinventer ; j’aime bien la continuité mais pas la répétition. Je crois que le prochain album sera plus heavy, plus dense, plus rock’n roll que les autres, mais le désir, le sexe et l’amour sont des thèmes qui seront toujours présents. Ce sera plus complexe au niveau des guitares mais aussi plus direct, avec un mix de sons électro… J’ai beaucoup pensé au groupe Suicide qui a toujours été une très grande influence, pour le côté répétitif et hypnotique. Le blues a cet aspect aussi, et j’essaye de transposer cet effet hypnotique au rock’n roll… Comme une espèce de mantra.

DSC_0148

■ On peut avoir un aperçu de ce son dans ton film How to become nothing, tu peux nous en dire un peu plus sur ce projet ?

En fait, c’est un projet qui est très connecté avec le prochain album, mais pas du point de vue de la musique! C’est pendant le tournage de ce film que j’ai écrit presque tout l’album. C’est un film réalisé avec Pedro Maia et Rita Lino, qui raconte le voyage d’un homme dans le désert. C’est un mélange de réalité et de fiction, et au bout du compte c’est un film de fiction qui comporte beaucoup de réalité, beaucoup de choses qui se passent dans le film se sont vraiment passées aussi. Je fais aussi quelques shows lives sous la forme de ciné-concerts, avec Pedro Maia, qui est le directeur du film. Il y aura une édition du disque avec le DVD du film.

Pour cette fois, je voulais commencer l’album avec des images et pas de la musique, et c’est pour cela qu’on a fait ce voyage. On ne savait pas quel allait être le format du film, mais on savait qu’on allait faire un projet qui n’allait pas être connecté musicalement à l’album, mais qui pourrait être une inspiration pour le son et les images de l’album.

« composer le disque dans le désert »

Quand j’ai enregistré mon premier album, Naked Blues, j’ai commencé aussi par filmer en Super 8, c’était aussi un peu un prétexte pour faire du cinéma ; j’ai transposé ce procédé à un autre niveau. Je n’aime pas être trop attaché à la nécessité de faire un nouveau disque, je préfère être un peu libre ; le road-trip en Amérique était parfait pour ça. On a choisi l’Amérique pour beaucoup de raisons, on était influencés visuellement par beaucoup de films: Zabriskie Point de Antonioni, Paris, Texas de Wenders… Il y avait des endroits où on voulait filmer, parce que c’était des références pour nous. Et puis comme j’allais enregistrer le disque en plein désert, je voulais composer le disque dans le désert aussi, dans un voyage. Dans une perspective qui serait à la fois la mienne et celle de mon personnage. Je n’avais pas envie de faire un autre disque qui parlerait encore une fois de moi, de ma vie ; j’avais envie de passer par le biais d’un personnage, qui vit une expérience.

 

DSC_0186

« Je me sentais un peu comme le monstre de Frankenstein »

■ On sent bien que ta musique va puiser franchement ses racines dans le rock, le punk, la coldwave anglo-saxonne, et puis dans le blues du Delta ; on y entend moins la musique portugaise. Est-ce que tu dirais néanmoins que c’est une influence dans ta musique ?

 

Pas vraiment en fait. Quand j’étais adolescent, vers 14, 15 ans, j’écoutais beaucoup Zeca Afonso, José Mario Branco, tous ces chanteurs de gauche révolutionnaires. Et puis au même moment j’écoutais aussi les Sonics, les Cramps, du punk et du rock’n roll, et il y a eu un moment où la musique américaine est devenue une passion et une très grande influence. Quand j’ai eu un groupe j’ai pu faire de grandes tournées de 3 mois aux États-Unis… Mais je n’ai jamais pensé enregistrer aux États-Unis. Je me sentais un peu comme le monstre de Frankenstein qui viendrait visiter son créateur quelques années après ; je croyais que je m’étais approprié les choses qui m’avaient influencé, et que je racontais l’Amérique à ma manière, de façon un peu déformée.

En fait ça fait deux semaines que j’ai acheté pour la première fois une guitare portugaise (pour gaucher, parce que je suis gaucher). La première fois que j’en ai joué, j’étais avec l’artisan, dans un très petit endroit ; et les premiers accords qui en sont sortis, c’était des accords de blues, à la guitare portugaise ! Je pourrais me faire tuer pour ça au Portugal… Non, mais je pense qu’il faut être libre de jouer avec ces standards-là… Peut-être qu’un jour j’aurai envie de faire des chansons en portugais, sous un autre format, dans un autre contexte.

DSC_0229

 

■ Qu’est-ce que tu penses de la scène musicale au Portugal en ce moment? Des groupes que tu apprécies?

Je crois que maintenant, la musique traditionnelle n’est plus ce que le Portugal veut exporter ; il y a la Buraka, le Kuduro… Au niveau de ce qui se passe à Lisbonne, il y a des groupes qui ont des influences très diverses, de la musique portugaise au tango, au rock’n roll. Parmi les groupes intéressants il y a The Poppers, Keep Razor Sharp, Throes & the Shine, Capitão Fausto… Dans les années 80, 90, il n’y avait pas vraiment de mouvement comme ça à Lisbonne, mais maintenant il y a un vrai mélange de genres, de beaucoup de choses très différentes, avec un très grand mouvement de rock’n roll aussi, aussi bien en anglais qu’en portugais.

 

Envie de réagir ?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>