Le jeudi 23 et le vendredi 24 mars, les jeunes talents de la compagnie catalane IT Dansa se produisaient au Triangle. Une école artistique de très grand niveau dont on a pu vérifier l’excellence ce vendredi lors de la représentation de 4 pièces ayant pour thème principal « les sentiments ».
Naked Thoughts – Rafael Bonachela
Le noir tombe dans l’amphithéâtre comble du Triangle. Entrent sur scène 3 couples de danseurs vêtus de noir accompagnés quelques minutes plus tard d’un 4ème duo. Dans une mise en scène simple et sur une musique électronique percutante et rythmée, les duos enchaînent les pas et les portés avec une synchronisation parfaite. On ne peut que tomber sous le charme de ces échanges remplis de sensualité. Si par moment un partenaire cherche à fuir l’autre ce n’est que pour se faire rattraper et de nouveau s’enlacer un instant plus tard pour fusionner en un seul être. Des images très poétiques qui illustrent parfaitement la complexité des rapports et des sentiments au sein d’un couple.
Sechs Tänzen - Jiři Kylián
Nous basculons dans un tout autre univers dans ce second plateau. Sur une musique de Mozart, entrent en scène 8 danseurs vêtus de tenues bourgeoises d’époque (XVIII siècle). On assiste alors durant 6 actes à des scènes burlesques où les rapports amoureux sont pensés par le désir. Tour à tour, deux femmes se disputent un homme puis la situation s’inverse et ce sont deux hommes qui font la cour à une femme, puis deux hommes qui comme on peut le voir dans leur regard s’attirent l’un et l’autre… S’ajoutent à toutes ses situations, les interventions de danseurs en robes noires très larges qui apportent une nouvelle couche d’absurdité. Les protagonistes cherchent à séduire – souvent de manière maladroite – afin de pouvoir accéder au fruit défendu . Un tableau qui démontre l’esprit volage et éphémère de l’amour dans cette société bourgeoise. Message mis en image par une pluie de bulles venant clôturer la représentation
la complexité de se redresser et d’aimer à nouveau après une mauvaise expérience.
In memoriam - Sidi Larbi Cherkaoui
In memoriam est la représentation la plus sombre de la soirée. Sur un musique aux accents berbères, une jeune femme subit la violence de son conjoint. Malgré le soutien et l’aide qu’elle peut lui apporter pour éviter sa chute, l’homme ne peut s’empêcher de la rejeter avec violence. Se servant d’elle comme d’une marionnette, il cherche à se rapprocher d’elle pour asservir ses pulsions agressives. Ces mouvements brutaux sont exécutés avec une grande fluidité par le couple de danseurs. La jeune femme arrive finalement à se détacher de cet homme et commence alors pour elle un long chemin de rééducation sentimentale. Elle ressent alors un besoin de protection symbolisé par de très beaux mouvements de corps à corps. A ce besoin d’affection, s’oppose le besoin de liberté entraînant l’envie de fuir. On sent donc ici toute la complexité de se redresser et d’aimer à nouveau après une mauvaise expérience.
Whim – Alexander Ekman
Le rideau s’ouvre, devant nous, une sculpture construite d’Hommes et des chaises. Seul dans son carré de lumière, un patient cherche à intégrer ce groupe un peu dément. Sont-ils fous ? Probablement. Humains ? Certainement. Durant vingt minutes, les quinze artistes de la compagnie enchaînent les pas de danses en fonction des émotions qu’ils traversent. Un très bel enchaînement réunit notamment 4 couples pour une danse bouche contre bouche. Comme si c’était l’amour qui leur avait fait traverser toutes ses émotions. Ou bien, l’inverse comme si c’était toutes nos émotions qui entraînaient l’amour. Pas facile de déceler le message de cette représentation si ce n’est qu’elle évoque l’Homme et la complexité de ses émotions. Sur plusieurs musiques rythmées allant de Ravel à Nina Simone, s’enchaînent donc pendant vingts minutes des mouvements d’une synchronisation impeccable entre les quinze danseurs. C’est assez déroutant de voir tous ces corps en harmonie parfaite et toutes ces émotions passer sur les visages des artistes. Très théâtrale, cette représentation vient clore une très belle soirée. Le public ne s’y trompe pas en saluant les artistes par standing ovation.