L’équipe organisatrice du festival Les Embellies avait convoqué l’auteure-compositrice-interprète Émilie Zoé et son batteur-arrangeur Nicolas Pittet pour un mini concert dans la salle de conférence feutrée des Champs Libres dimanche 05 mars. Les deux artistes y ont testé avec brio leurs gammes en attendant (avec impatience) un concert en version longue cette fois sur la scène de l’Ubu vendredi 10 mars. Portrait-interview d’un duo-fusion qui carbure à l’adrénaline.
Ce dimanche 05 mars, Émilie Zoé participait aux festivités d’ouverture de la 19e édition des Embellies aux Champs Libres. Encore inconnue de ce côté de la frontière mais artiste montante dans sa suisse natale, elle a déjà à son actif des premières parties de Shannon Wright, Scout Niblett ou encore Blonde Redhead, une tournée de guitariste de longs mois avec sa compatriote Anna Aaron et surtout une (hyper) activité avec ses propres groupes. La musique, une évidence comme une seconde peau. Des influences nombreuses et multiples. Un groupe de San Francisco en creux qui la suit depuis l’adolescence Two galants aux volutes country/folk « pour l’énergie et le choix des instruments » qu’elle écoute toujours. Pourtant éloigné de son style plus marqué indie rock qu’elle se forge au fil des rencontres. La jeune artiste a commencé à écrire des chansons il y a six ans et très vite elle rejoint un ami dans un projet scénique « il a décidé d’agrandir le groupe avec un batteur et un bassiste et le batteur c’était Nicolas« . Une rencontre pas complétement inédite : « en fait, nous avions déjà joué ensemble sans nous connaître lors d’un immense concert, j’accompagnais plusieurs guitaristes dont Émilie », précise le jeune homme.
Émilie Zoé artiste de la vie sur le vif, de la vie à vif. Après un EP de six titres Empty en 2013, son premier album Dead-End Tape (sorti en 2016 chez Hummus Records) voit le jour par hasard à partir d’une rencontre avec le musicien aux multiples talents Louis Jucker. « Nous avons passé une semaine dans un ancien stand de tir. Pendant trois jours, nous avons enregistré onze morceaux à la suite sur un enregistreur quatre pistes à bande ». Les titres résultent de bidouillages, de tests et d’improvisations musicales. Ils se retrouveront dans l’ordre d’enregistrement sur l’album en tentant de préserver ce son artisanal impulsif. Pendant cette période, la jeune femme réfléchit à ce qui lui plaît dans les concerts auxquels elle assiste et dans les disques qu’elle écoute et constate un goût affirmé pour les ambiances minimaliste et brutes. Un état d’esprit authentique retranscrit dans cet album forgé à partir d’une K7 qu’Émilie Zoé souhaite retrouver sur scène en live. Mais elle n’aime pas jouer seule. Alors elle se tourne naturellement vers Nicolas qui l’accompagne également au chant et au clavier et sera présent sur le prochain album.
Émilie écrit ses morceaux en anglais à partir de son quotidien, d’histoires et de sentiments personnels (tel le titre « Sailer », hommage à un marin de passage), de livres lus et de films vus. Tout est matière pour cette observatrice minutieuse des détails de la vie (elle se promène toujours avec un appareil-photo à portée de main). Jusqu’à l’année passée, elle composait ses textes en solitaire puis effectuait ensuite les arrangements avec Nicolas. Désormais, elle travaille davantage en binôme. Elle arrive avec des bouts de chansons, qu’ils modifient ou achèvent ensemble. Mais le batteur de préciser « c’est Émilie qui apporte la base et après, je donne mon avis. Elle voit toujours la direction que prendra le morceau. » Parfois certains titres possèdent davantage d’importance, voire modèlent un style et influencent un processus de création tel le rugueux et intense « I found a girl« écrit et composé à domicile. Pour la première fois, la jeune femme désaccorde sa guitare pour coller à l’univers recherché « Je n’avais jamais perdu mes repères sur mon instrument avant. Depuis, j’ai trois guitares accordées de manières différentes ». De fait, pas un morceau ne possède le même son, ce qui donne un caractère spécifique à ses compositions. « I found a girl » ouvre les concerts courts du duo, une place de choix pour un titre fondateur, seul vestige de l’époque du groupe à quatre originel.
« jouer les morceaux, les comprendre, les travailler, les interpréter d’abord sur scène donne une autre identité à nos compositions »
La scène, lieu phare pour Émilie et Nicolas. Les morceaux y prennent corps et chair et se modifient au fil des dates. S’ils mettent en place la base des morceaux dans leur local, la prestation publique, les transforme. La chanteuse et le musicien sculptent les titres en fonction de la salle, de leur ressenti et de la réaction du public. La phase d’enregistrement intervient après ce work in progress permanent. Avec le challenge de transposer ensuite l’intensité de la matière scénique sur un disque. Pour Nicolas : « jouer les morceaux, les comprendre, les travailler, les interpréter d’abord sur scène donne une autre identité à nos compositions ». Un résultat plus compliqué à atteindre dans un studio avec la contrainte de temps et de stress supplémentaires. La scène comme un laboratoire d’expérimentation in vivo pour mieux extraire la substance créatrice et s’appuyer sur des réflexes communs plus directs. Avec cette méthode expérimentale, les artistes jouent sans filet mais abordent cette tournée en France avec sérénité « Nous avons l’impression de partir en vacances. Nous n’avons aucune pression, personne n’attend quoi que ce soit de nous, les gens nous découvrent ». Deux artistes à l’état pur qui carburent à l’adrénaline de l’instant, un cocktail explosif à savourer en live !
