Ma Loute, de Bruno Dumont : une plongée socio-ethnologique au vitriol dans le Nord de 1910.
Il y a du grotesque. Il y a de la farce. Il y a des couinements. Il y a de l’outrance, du théâtral. Il y a des caricatures. Il y a de l’irrespect pour la police, les pauvres, les bigots, les familles aisées, les estivants, les gueux du cru, les enfants, les femmes, et les hommes en général. Tous sont hideux, gratinés, ridicules, déséquilibrés, avec des gueules et des dégaines pas possibles, chez les policiers qui ne tiennent pas debout, aussi bien que chez les riches industriels roubaisiens consanguins (les hystériques Van Peteghem), ou que chez les abominables pêcheurs de moules du sinistre quartier Saint-Michel : les effrayants Brufort. C’est dire si c’est jubilatoire. Tout en étant contemplatif : puisque l’action se situe en bord de mer, dans le Nord : les paysages et les ciels sont très beaux. Et c’est très pittoresque. Les acteurs ont des accents à couper au couteau – il faudrait presque comme pour les films québécois des sous-titres… Ils emploient des expressions et un vocabulaire délectables. Luchini, Binoche, Despres et consorts en font des tonnes dans la cocasserie. L’ensemble est très drôle, dérangeant et poétique à souhait (au point que des spectateurs quittent la salle). Bref, vive les grèves (de la Baie de Somme) !
Tels Dupont et Dupond, l’inspecteur Machin (Didier Despres) et son comparse Malfoy (Cyril Rigaux en arrière-fond, devant l’assez vilaine villa de style ptoléméen du fortuné bossu) enquêtent sur les terres en bord de mer du riche industriel André Van Peteghem (Fabrice Luchini), à propos d’inquiétantes disparitions…
On pourrait poursuivre dans les « il y a » tant il y a de choses dans ce film car il y a aussi des amateurs qui jouent à côté des professionnels et entre les deux il y a peu de différences, sinon d’accents. Il y a un étonnant travail sur le son. Il y a aussi le personnage de Billy (a), d’un genre indéfini… à l’image du film.
Oui, les acteurs, chevronnés ou non, font un boulot remarquable. Oui, Billy est troublant·e. Oui, ce film est un peu irréel, étrange, weird. Et pourtant très parlant. Une œuvre d’art quoi.