Beatmaker prolifique, collaborant entre autres avec Caballero, Lucio Bukowski, Kyo Itachi, Swift Guad, Paco ou plus récemment Seyté et Senamoi de La Smala pour Trois fois rien, Mani Deïz a décidé d’ajouter sa voix et son franc-rappé avec Comme les autres. Un pari réussi pour celui qui aimait rester dans l’ombre.
Tu connais le proverbe ? « Tous les chemins mènent à Mani Deïz ». Et c’est à peine exagéré puisque beaucoup de emcees ont dû se le dire tellement Mani a donné de son temps pour la musique. On ne peut effectivement qu’admirer le travail et le savoir-faire de ce membre du collectif de beatmakers »Kids Of Crackling », pratiquants du « rap magique ». Celui qui s’est mis aux machines pour partager des prods quand il était difficile d’avoir des faces A à l’époque avant l’arrivée de l’Adsl a donné un bon coup de main à sa passion comme le confirme l’excellent entretien donné à LerapenFrance. S’ensuit un coup d’accélérateur lors d’une période de chômedu. Depuis ? Depuis on peut s’amuser à compter les instrus de Mani pour s’endormir tellement il en a sorti. Autre anecdote implicite ? Il a œuvré musicalement avec Kyo Itachi pour des associations caritatives (« Under The Bridge ») dont les revenus générés par l’album ont été reversés aux SDF. Découvert à titre personnel sur Les Noblesses de L’Échec et les psaumes métropolitains de Lucio Bukowski, on ne compte pas non plus le nombre de fois où on a kické avec des potes sur ses instrus allant de la Rough Tape à The Cassette Sunday. C’est plus facile pour nous quand on sait qu’il partage sur Youtube la plupart de ses instrus. C’est d’ailleurs le cas avec cet album « pour ceux qui n’ont pas de thunes ». Vous avez dit « altruisme » ?
« Crise d’adolescence, on tue l’ennui, on tape des barres
Désobéit, s’égare dans cette vie vide de sens
Crise d’adolescence, on fume, on s’enfuit par les regards
Les ordres émis s’égarent dans cette vie vide de sens » (« Comme les autres »)
Puis vient ce 13 mai 2016 et un album : Comme les autres. Un titre plus que humble vous le remarquerez facilement. La grosse nouveauté ? Mani est derrière le mic. L’orage s’amorce. On remonte lentement le temps en commençant par un retour en « 1982″. L’album débute par un dialogue issu de « La cave se rebiffe ». On écoute la voix grave de La Dabe (MC Jean Gabin) réclamer du papier à Mme Pauline (Françoise Rozay), manière d’introduire Mani et son besoin de gratter des seize. « On crée pour soi, on partage pour les autres » affirme le rappeur/beatmaker. On remonte le temps en 1998 en entonnant le titre éponyme « Comme les autres ». Superbe titre personnel qui parle de son adolescence, de son rapport avec l’école et la drogue jusqu’à ses débuts dans le rap. De l’interlude instrumental accompagné d’un témoignage de la date tragique du »8 janvier » à la conclusion finale où on finit dans l’espace et « Sur la Lune », on ne perd pas son temps à écouter chaque titre qui mêle l’art du sampling et beat boombap.
« Ensemble, on pourrait l’faire dommage
Mais on nait, on meurt seul, frère
Et entre les deux y a un paquet de connards » (« Une Éponge »)
Du trentenaire, on retiendra les morceaux comme « Éternelle Noyade », « Ma place » ou « Atmosphère Nocturne ». Oh ! Serait-ce une subtile dédicace à notre website préféré ? Ce serait pousser un peu loin l’altruisme du Parisien. Et pour le coup, on s’éloignerait de notre modestie légendaire à L’Imprimerie. N’oublions pas que le beatrappeur n’est pas tout seul. Accompagné par Paco, Ol Zico, Kekro et Lacraps côté rap, on retient aussi les bonnes prods de Itam et Nizi sur deux titres. J’en profite pour partager le coup de cœur pour « Une Éponge », qui n’est pas la version remix d’un morceau de Fuzati mais un constat engagé sur le monde qui nous entoure. Preuve que les connexions se font plus qu’elles ne se défont avec Mani. Pas mal pour un homme de l’ombre. Alors vive le rap et vive le net ! Et comme dirait Booba, « que Dieu me pardonne d’être comme les autres ». Ouais… vive le net que j’ai dit !
Comme Les Autres de Mani Deïz – Album de 11 titres – 33 minutes – Sortie : 13 Mai 2016 – Disponible sur bandcamp