A bigger splash de Luca Guadagnino : un thriller sur fond de ciel bleu, de bain de boue, de criques et de croquants.
A bigger splash est construit sur des oppositions, des ruptures, contrastes photogéniques censés donner du relief – coq-à-l’âne qui maintiendront l’attention du spectateur… car il s’agit ici bien d’un spectacle, même si l’on peut soupçonner Luca Guadagnino d’avoir peut-être un message à faire passer. Le clou du spectacle est ce couple, sur une île d’Italie – Pantelleria pour ceux que ça intéresse. Ce couple (Tilda Swinton, ci-dessous à droite derrière ses abominables lunettes à verre miroir, et Matthias Schoenaerts) est classiquement constitué d’un homme et d’une femme : Paul, espèce d’intermittent du spectacle aux petits soins pour sa compagne, et Marianne, pop-star en convalescence qui souffre des cordes vocales et qui susurre péniblement pour se faire comprendre. L’une porte des robes de chez Dior (collection Raf Simons pour celles et ceux, de plus en plus nombreux·ses parmi les lecteurs·trices de l’Imprimerie, qui seraient sensibles à la haute-couture). L’autre est en espadrilles avec des tee-shirts troués, négligé donc, mais sexy. Sur l’île où ils se reposent (sauf Paul qui travaille un peu à distance grâce à un ordinateur portable bien pratique) affluent, sortis de nulle part, ou plutôt venus du Nord de l’Afrique, de la Tunisie toute proche qu’on aperçoit très nettement par temps clair, des migrants (ce qui connecte du coup A bigger splash à un problème majeur de notre époque, on ne pourra pas dire qu’on n’était pas au courant). Mais aussi (et surtout) un ex de la chanteuse-sans-voix, Harry (Ralph Fiennes). Celui-ci, un peu jet-setter sur les bords, est accompagné par sa fille Pénélope (Dakota Johnson) et quelques autres personnages vaguement insipides. Ayant les moyens et les passeports qui vont avec, ces deux-là débarquent évidemment d’un avion de la Società Aerea Italiana.
Corps bronzés en bikini ; scènes de vacances méditerranéennes ; amours estivales ; nerfs à fleur de peau (car Paul n’est pas content de voir ses vacances en amoureux gâchées par l’irruption d’un rival aussi entreprenant qu’exubérant capable de se déhancher en plein après-midi sur « Emotional rescue » des Stones, tube énorme de l’année 80) ; confrontation étrange entre le monde du show-biz tantôt soyeux tantôt rugueux mais souvent décadent et le monde des réfugiés clandestins ; le tout constitue un remake du mythique film La Piscine de Jacques Deray (1969). Remake qui aura eu le bon goût de ranimer le souvenir particulièrement glamour du couple Romy Schneider et Alain Delon, et l’audace, ou l’incongruité, de juxtaposer deux antipodes : la jet-set qui porte des fringues griffées par des stylistes cotés, et les aventuriers dépenaillés qui fuient la misère et la guerre. Mélange des genres qui laisse une impression bizarre, irréelle, née de la contemplation d’un monde aussi cruel que réel, inamical et néanmoins photographié avec les codes de la publicité pour papier glacé. Sans parler du fait qu’on ne croit pas une seconde à cette diva du rock éclopée de la glotte… La seule chose qui semble réelle, hélas, dans cette production, c’est la situation abominable à laquelle sont confrontés les migrants, fuyards hagards parqués derrière des barbelés dès lors qu’ils se seront fait attraper.