À peine remis du voyage chamanique de Condor vendredi, nouvelle apnée contemplative ce lundi soir sous le chapiteau du Magic Mirror. L’interprète charismatique Stuart Staples et son groupe les Tindersticks gratifient le festival Mythos d’un concert atmosphérique derrière les portes d’une Waiting room aérienne et mélancolique.
Compagnon-batteur des Tindersticks sur des albums, des B.O et des tournées, le musicien-compositeur-interpréte Thomas Belhom, accompagné du saxophoniste Cédric Thimon, introduit avec une poignée de pièces jouées et chantées en anglais et en français, issues de son quatrième album Maritima, une soirée Mythos estampillée Classe internationale. Egalement percussionniste averti (vibraphone, batterie, shaker, maracas, triangle..) et multi-instrumentiste (guitares, accordéon, piano, orgue hammond, gopichand), Thomas Belhom compose, écrit et chante des morceaux iconoclastes qui constituent une voie de passage originale et idéale en attendant le groupe de Stuart Staples.
Place aux Tindersticks (Stuart Staples au chant et à la guitare, Neil Fraser à la guitare, David Boulter au piano, Dan Mckinna à la basse et Earl Harvin à la batterie) sous une salve d’applaudissements. Pendant dix ans, le sextet formé en 1992 se pose comme un figure-phare du rock indé contemplatif. En 2003, silence radio pendant cinq ans, on craint le clap de fin. Puis en 2009, l’album Falling down a mountain signe leur retour en force, en nuances et en fragilité. Le storytelling du film des Tindersticks s’écrit de nouveau dans les salles de concert et de cinéma. Hommage au septième art (plusieurs BO au compteur avec Claire Denis notamment dont le sublime Trouble Every day), chacun des onze titres de Waiting Room, opus 20016 de la formation (désormais quintet) s’accompagne de courts-métrages signés pour la moitié de Stuart Staples lui-même (et de son épouse l’artiste Suzanne Osborne). Pas étonnant donc que chaque titre raconte des histoires intimes qui bruissent comme des souvenirs.
Autant d’images qui servent d’écrins à des joyaux bruts. Waiting Room album de la maturité et du ciselage. Quatre ans d’écriture et de peaufinage pour que le groupe de Nottingham (désormais en partie installé dans la Creuse ou Stuart a crée son propre studio Lucky Dog), taille son diamant brut. Quatre ans pour se gorger de nouvelles influences et produire une palette de morceaux dépouillés (leur marque de fabrique). Sous le chapiteau du Cabaret Botanique, le chanteur et ses comparses dévoilent leur pierre précieuse. Avec cette voix unique et cristalline, le dandy égraine des nouveaux morceaux mais aussi quelques anciens titres et une reprise-pépite de Johnny Guitar de Peggy Lee. Le répertoire se gorge de musique noire, de soul, d’afro-Beat, de fragrances jazzy jusqu’à une reprise au mélodica du thème des Révoltés du Bounty (Follow Me de Bronislau Kaper) qui clôturera le concert avant un ultime rappel.
Entre temps, Hey Lucinda, un des plus beaux morceaux de l’album, résonne comme un appel dans la pénombre de la salle de cabaret, les lumières en suspension. Titre écrit pour la jeune chanteuse et amie du chanteur Lhasa de Sela, disparue en 2010. L’émotion devient palpable dans la voix de Stuarts Staples. Nouvelle hommage à la chanteuse après le rappel avec le titre Sometime It hurts, (qu’ils interprétaient ensemble sur l’album Waiting for the moon en 2004) en forme de chant du cygne. Le chanteur retient mal son émotion. «Ecrire une chanson résulte d’un sentiment » aime-t-il à rappeler. La Waiting room referme ses portes entre joie et tristesse, un peu sonné, mais heureux d’avoir participé à la grand mess des ciseleurs de mélodies.
