Le festival Mythos fête ses 20 ans avec une programmation dense et prolixe. Le ton est donné, l’édition 2016 se devait donc de démarrer en fanfare. Promesse tenue sous le chapiteau du Cabaret botanique ! Le bal des arts de la parole a ouvert ses portes ce vendredi 15 avril avec un Condor audacieux et hypnotique.
Condor, nouveau roman de Caryl Férey (dans la collection Série noire de Gallimard) du nom de l’opération éponyme, campagne d’assassinats et d’exactions à l’encontre des dissidents politiques, mise en place par les dictateurs sud-américains dans les années 70 et 80. L’auteur de polars à succès livre un road-trip dans le Chili néo-libéral de Pinochet sur fond de corruption policière. À travers le personnage d’un avocat investi en faveur des opprimés qui noircit en secret des pages obscures et habitées, le romancier effectue une mise en abîme au cœur du récit, trame de la création musicale littéraire présentée au festival Mythos ce vendredi soir.
Sur scène, des visages. Celui de Caryl Férey, maître de cérémonie qui introduit le spectacle par un soutien collégial sans faille aux intermittents du spectacle et précaires présents dans l’enceinte du festival, celui du guitariste Marc Sens (qui joue avec le groupe expérimental Zone Libre), celui de Manu Sound aux machines (membre fondateur du groupe électro jungle dub Yosh) et enfin celui de l’ex-chanteur de Noir désir et actuel leadeur du groupe Détroit, Bertrand Cantat.
Nappes frénétiques d’outre-tombe
Dans l’ombre, des figures; celles de Pinochet et de la horde de tortionnaires à son service. Une flamme funèbre agite le texte de Caryl Férey tandis qu’un vent incandescent se lève sur le Magic Mirror. Lecture vivante pour histoire d’amour mortifère. Où comment Catalina et son colosse d’argent aux yeux de glacier bleu, ramassé sur le bord de la route, fuient la guerre et les exactions. Nappes frénétiques d’outre-tombe, riffs de guitare et arrangements sonores qui soufflent, grattent, scient, tambourinent. Les mots éclatent dans la bouche de Bertrand Cantat, silhouette sombre, barbue, chamanique. Le chanteur entonne une psalmodie incantatoire sur les ruines d’un monde éteint. Sa voix aux syllabes claires murmure, raconte, éructe, martèle, écorche à vif les relents saumâtres de l’Histoire. Les silhouettes des amants égarés dansent sur les braises qui couvent dans les yeux de l’interprète.
Dans la salle silencieuse, « on pourrait entendre les hirondelles et l’été qui s’étouffe ». Le dernier chapitre tombe comme un couperet, la voix de Bertrand Cantat s’estompe tandis que les volutes de son harmonica s’évadent entre les interstices des miroirs du Cabaret botanique. Tremblent encore les yeux de glacier bleu du colosse disparu et les mots-uppercuts d’un auteur, de son chanteur et de leurs musiciens au diapason. Le Condor passa (trop vite), ne reste plus au public qu’à entamer une danse de luxe en deuxième partie de soirée. En route pour la joie !
A quand sur Paris ?????
Pour éventuellement suivre les informations nous vous conseillons la page Facebook du groupe Detroit de Bertrand Cantat https://www.facebook.com/DetroitMusicOfficiel/?fref=ts nous n’en savons pas plus !