Intra-Muros – Kohndo, une plume entre quatre murs

« Les perdants ont une voix et ils s’en servent » clamait La Rumeur. À l’heure où La Caution répond à des caricatures d’un pseudo-journal, à l’heure où des rappeurs sont invités à des débats télévisés tardifs pour que des chroniqueurs parlent d’autres choses que de leur musique, à l’heure où le débat entre liberté et sécurité fait rage sur les pavés, d’autres comme Kohndo, se posent une question permanente:  les murs sont-ils faits pour nous protéger ou pour nous empêcher de vivre ? Car si les ruines rappellent les vestiges d’antan, elles témoignent avant tout des dégâts du passé. Ex-La Cliqua, Kohndo est un ancien, un « vieux de la vieille » comme on dit. Cela n’empêche pas de faire du neuf pendant que les aiguilles continuent de tourner et dans ce sens, Intra-muros sort à point nommé.

« Les grands artistes ont l’mal de vivre et l’écrivent
En 16 lignes, comme des vestiges qui s’empilent
À chaque couplet qu’on écoute sans même couper
J’revois les taxis qu’on faisait exprès d’louper » (« Comme des Particules »)

Kohndo-Intra-MurosKohndo a bâti Intra-Muros à partir de ses expériences personnelles, dans un mélange de pierres neuves et d’autres plus anciennes, de gravats et de décombres. Il a notamment travaillé dans des centres fermés et de détention pour pratiquer la musique qu’il aime. Le constat de départ est simple:  nous sommes tous entourés de murs, qu’ils soient palpables, mentales ou imaginaires. C’est le moment que choisit Kohndo pour nous emmener en taxi pendant que « Le compteur tourne ». Entre des musiques aériennes, teintées de touches jazzy et de résonances « boom-bap », et une écriture plutôt « terre à terre » (avec de gros guillemets), le rappeur parisien s’empare du micro pour dépeindre des réalités multiples. Tantôt dans la peau d’un facteur, tantôt dans celle d’un prisonnier, d’un jeune plein d’avenir ou d’un chômeur licencié d’une usine, le rappeur parisien ramène son vécu pour offrir une vision panoramique à hauteur d’homme et surtout, d’égal à égal.

« La vie nous brûle comme une clope, égaré et seul » (« Le Compteur Tourne »)

Le poids de l’héritage est parfois très lourd à porter. C’est sans compter sur Nekfeu et A2H qui reprennent le témoin en ramenant leurs propres visions de rappeurs expérimentés malgré la jeunesse de certains. Et quoi de plus « normal » que d’assister à l’échange entre deux rappeurs du 18e et d’écouter un autre poids lourd et dinosaure du rap français, le dénommé Oxmo Puccino. C’est beau, c’est chaud, il y a même des samples de Fabe. En continuant notre balade, on tombe même sur un excellent remix d’un chef-d’œuvre de Dj Shadow, un autre artiste qui savait jouer avec les minutes. « Comme des Particules » est le coup de cœur de Intra-Muros malgré le risque de reprendre l’hymne d’un monde où tout sonne presque parfaitement bien. Un monde où tout semble n’être qu’une suite logique alors qu’il roule trop souvent en sens inverse. Et comme il le dit si bien dans « Des voix dans ma tête » : « la vie n’est qu’un voyage dont nous sommes tous les otages ». Même en présence de quelques interludes, c’est ce qu’on appelle dans le rap « La Loi du Point Final ». L’instant où il est temps de se quitter, où « Il n’y a plus rien » à se dire.

« Dis-moi où sont les miens ? Où sont les miens, où sont les nôtres ?
Quand j’trime pour boucler la fin du mois, où sont les nôtres ?
La vie nous donne rien, si c’n'est l’espoir
La force qu’on a pour se lever n’est qu’un exploit » (« Demain, le jour »)

Intra-Muros – 15 titres de Kohndo, paru le 5 février 2016 chez Greenstone Records / Modulor – 48 minutes et 32 secondes disponible sur Itunes / Fnac / Amazon

Envie de réagir ?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>