Classe à part : un drame distillant l’espoir au compte-gouttes dans un monde un chouïa désespérant.
Lena (Masha Poezhaeva) est myopathe (ci-dessous sur l’affiche russe, en compagnie de son prétendant Misha/Nikita Kukushkin et dans les bras de son amoureux Anton/Philipp Avdeev). Elle intègre une classe d’adaptation après avoir longtemps été déscolarisée. Son objectif est de faire ses preuves pour rejoindre un cursus classique qui lui permettra, à terme, de faire autre chose que fabriquer sa vie durant des interrupteurs. Si l’ambition de cette jeune handicapée est parfaitement légitime étant donné les capacités intellectuelles et la volonté qu’elle affiche, il n’en demeure pas moins que le cadre rustre de sa classe d’adaptation s’annonce comme un carcan épais dont elle devra se libérer. Sa (sous-)classe accueille en effet une brochette de naufragés d’un système lui-même pas loin de sombrer (un psychopathe, un dysphasique et sa sœur, un épileptique, une naine…). Tod Browning (Freaks, 1932) à n’en pas douter aura inspiré le jeune réalisateur Ivan I. Tverdovsky. Mais outre se pencher sur les habituels laissés-pour-compte de toute société un brin eugéniste, ce dernier aborde également le thème de la pédagogie en milieu différencié et à ce sujet, la scène où une prof plutôt old school enseigne à ses élèves turbulents comment enfiler un préservatif sur une banane est un must. Malgré ses déplacements laborieux et son fauteuil roulant, Lena est en effet en âge de ressentir et de vivre plus que des velléités amoureuses, si bien que la hiérarchie la plus haute et le personnel pédagogique, garants de l’ordre et la morale, se doivent d’intervenir… Nous n’en dirons pas plus. Pointant de sa focale les ségrégations qui cloisonnent les esprits, Classe à part est une ode à l’altérité et ses rugosités, à la différence et ses problématiques. Avec cet âpre réalisme propre aux bons documentaires, Classe à part affronte avec vaillance un bel éventail de thématiques compliquées : en l’occurrence ici celles du rejet de l’autre et de l’acceptation de soi, celles de la dignité dans l’adversité et des petites (et grandes) cruautés de nos quotidiens peuplés d’êtres veules, tyranniques, abêtis, ignorants et malléables – humains parmi les humains.