Un petit paquet d’auditeurs avait remarqué La Gale, rappeuse suisse, en 2012 avec un album éponyme qui balançait quelques petites pépites. Elle revient cette année avec un disque de 11 titres intitulé Salem City Rockers. Une virée aussi poussiéreuse que déterminée. Avec I.N.C.H et Al’Tarba à la prod.
La Gale est une maladie de peau, aux démangeaisons nocturnes, dont on ne se débarrasse pas si facilement que ça et qui creuse ses galeries le long des veines. Le long de celles de La Gale c’est une « Nouvelle pandémie » qui se répand. Un son lourd qui annonce la couleur dès le 1er titre introduisant une demi-heure de son qui débarque comme une claque en pleine gueule; une claque où le « cafard a forme humaine » et où même « les poubelles se la ramènent ». La Gale, ça gratte et parfois ça réussit même à s’introduire dans les zones les plus obscures du cerveau. Amis de la crise d’angoisse, cet album est fait pour vous. Ou pas.
« Foutez-moi sur l’bûcher si je suis un peu trop perdue, ou pas assez aigrie et si peu convaincue » Salem City Rockers
Au micro, une rage, une plume qui réclame le brasier, comme une sorcière; une de celles de Salem jugées au XVIIe ? Non, la Gale est une sorcière de 2015 qui rappe tout haut ce que certains écrivent ailleurs, sur les murs ou sur des papiers volants. La Gale s’attaque à tous ceux qui mènent encore des chasses aux sorcières; et il n’y a malheureusement pas besoin d’aller bien loin dans l’actualité. Celle qui déclare qu’il est « difficile de regarder autour de soi sans avoir les yeux qui piquent » tire tous azimuts et sans concession; avec la voix rocailleuse et un phrasé qui vise aussi bien qu’un sniper entrainé, La Gale interroge la descente aux enfers que semble parcourir l’humanité. Ou plutôt ce qu’il en reste. Constats clairs et idées noires, de quoi s’installer pour la soirée au comptoir. Et « qui m’aime me suive ».
Parmi ceux qui la suivent, il y a bien sûr les producteurs, Al’Tarba et I.N.C.H, mais également la chanteuse flamenca Paloma Prada, ou encore Vîrus (récemment apparu sur le projet Asocial club) qui vient poser « Sous une rafale de pierres ». Micro partagé également avec Obaké (« Fantômes froids 3.0″) ou Rynox à la « Rubrique des chiens galeux »; les chiens galeux, ce sont eux qui hurlent sur le dixième titre de l’album, pour sortir des « caves et des sous-sols », un appel au chaos que ne semblait pas annoncer la voix de François Morel samplée en introduction. Dans tout ce vacarme, qui semble (volontairement ?) vouloir noyer le poids du passé ou de la réalité dans quelques vapeurs urbaines, il y a aussi la route. Empruntant dialogue et sons de bécane au film Easy Rider (Denis Hopper, 1969), le titre « 5000km » embraye les scratches de Dj Nixon pour une montée en puissance, « histoire de rentrer dans l’décor, prendre le bitume en plein corps, quand le paysage défile j’me soucie moins d’mon sort ». Une ode à tous ceux qui ont déjà pris la route pour se libérer de quelque chose. Et sentir frémir un « born to be wild » dans une ambiance survoltée qui monte à la tête comme un parfum d’essence.
Entre discours venus du bas-côté, puissance du son et « trucs qui visent là où ça grattait déjà », La Gale signe un retour frontal sur 11 pistes; quelque part entre la poussière de Salem et les néons près d’un bistrot.