Fondé en 2011, le groupe Bien à toi sort cette année son premier album intitulé Alta Loma. Et plutôt que d’être effrayé par la case « post-rock expérimental », chacun ferait mieux de se laisser embarquer.
Alta Loma, c’est le nom d’un quartier de Los Angeles en Californie, et le nom d’un hôtel où traîne Arturo Bandini, le héros de Demande à la poussière de John Fante. Pourtant, le trio ne semble pas errer sur ces compositions entièrement instrumentales mais plutôt bien déterminé à faire basculer l’horizon. 7 titres qui traversent à la manière d’une étoile filante le jour, ou la nuit, qui accélèrent ou ralentissent le temps, on ne sait pas trop. Finalement, c’est l’auditeur qui pourrait sembler perdu. Mais c’est une noyade sonore qu’il faut accepter au risque de se laisser écraser par la tension qui règne dans les morceaux. Dès « Vestale », le maître mot qui s’impose c’est la progression; notes suspendues aux guitares, puis masse des accords noise et vibrants. Un univers électrique agrémenté de touches acoustiques, qui annoncent un peu plus d’une demi-heure d’un voyage pour lequel il faudra savoir rester par 0° face à soi-même.
Jeu rythmique important, compositions 100% instrumentales (ne cherchez pas la trace d’une seule voix chez Bien à toi), la force du groupe réside dans l’art d’alterner des paysages suspendus et des éclats extrêmement lourds; le tout en passant par des gammes chromatiques, tant dans les mélodies que dans les couleurs propagées, à l’exemple de « Dunes » qui joue sur des demi-tons ou quarts de tons en faisant sensiblement jouer la corde de la guitare. Elle est là, l’errance d’Arturo Bandini, dans ce flou qui peut se prolonger à l’envi des sons que le trio étire, parfois sur près de 8 minutes comme avec « Alta Loma » ou le superbe « Vert-de-gris ».
Comme toute noyade qui se respecte à un moment il faut atteindre le fond, et c’est avec « Les baigneuses », qui sont peut-être bien celles de la pochette tirée d’une toile de Felice Casorati (intitulée Merrigio, midi, que Bien à toi réussit à approcher le sublime. Après une introduction plutôt caractérisée par une force violente et un rythme effréné, une coupure planante qui aurait des relents d’un vieux Radiohead, le trio s’élance sur les cimes musicales de ce qui pourrait bien s’appeler un monde nouveau. Les pépites, ça se mérite.
Et pour aller un peu plus loin, un titre de leurs débuts pour Diriger, séduire et convaincre.