Une seconde mère – Que horas ela volta ? : un film brésilien d’Anna Muylaert qui remue les idées et les émotions avec malice et bonté.
On a tous en tête quelques vieux clichés moisis sur le Brésil – nation du football agile et des monokinis sur la plage, des favelas labyrinthiques truffées de gangs dangereux, du carnaval orgiaque durant lequel on ne compte plus les femmes ivres violées et les touristes détroussés, sans parler du si sensuel et si réussi métissage latino-américano-africain qui caractérise sa tropicale population. Une seconde mère est l’occasion de renouveler ces clichés éculés et d’en acquérir des tout neufs peut-être plus pertinents. Dans la lignée de ce cinéma caustique sud-américain déjà représenté par Les Nouveaux Sauvages (film à sketches argentino-espagnol écrit, réalisé et monté par Damián Szifrón), Une seconde mère raconte l’histoire d’une femme de ménage-gouvernante-nounou à São Paulo : Val (Regina Casé). Elle est nourrie, logée, blanchie. Elle vit chez ses patrons (qu’elle adule aveuglément). Madame Barbara, sa patronne, est une magnat de la mode un peu imbue de sa personne. Monsieur Carlos, son patron, est un héritier, un peu peintre abstrait (qui a abandonné ses pinceaux), un peu souffrant, un peu rock’n’roll si l’on en croit les tee-shirts qu’il arbore faisant la réclame pour Arcade Fire ou Morcheeba, un peu rebelle (il fume en cachette de sa femme). Quant à Fahbino (Michel Joelsas), l’ado de la famille, il lui arrive encore de dormir aux côtés de son ancienne nounou. Val fait un peu partie de la famille en somme. Sauf que les rôles sont distribués clairement de par son statut d’employée de maison et que l’arrivée de Jessica (Camila Márdila), sa fille venue faire ses études à São Paulo, va fissurer l’édifice de cette rupine maisonnée. Par ces fissures apparaissent bientôt la mesquinerie de Madame Barbara, l’hypocrisie de Monsieur Carlos ou la médiocrité du jeune Fahbino… mais aussi l’aliénation de Val.
Jessica (Camila Márdila) et sa mère (Regina Casé) en plein conflit d’intérêts, de générations et de modèles.
L’indépendance d’esprit et la vitalité de cette Jessica sont le souffle d’air frais qui vient aérer cette espèce de huis-clos des beaux quartiers. Campée fièrement par Camila Márdila, Jessica ainsi est une ravissante effrontée, une héroïne des temps modernes aussi revigorante qu’attachante. Val est un monument d’abnégation généreuse, de dévouement et d’amour maternel (et qui confine parfois à l’idiotie). Bouffie, Madame Barbara (Karine Teles) est une ploutocrate dans toute son épaisseur crasse. Monsieur Carlos est plus insaisissable. Et au final, Une seconde mère mérite bien évidemment très largement les palmes qui lui ont été décernées au festival de Sundance, à Valenciennes ou Berlin.
Une seconde mère – Que horas ela volta ? : un film brésilien d’Anna Muylaert – Avec Regina Casé, Camila Márdila, Michel Joelsas… – Durée : 1h52 – Sortie le 24 juin 2015