Murmures Barbares refont parler d’eux. Depuis peu, une édition vinyle en exemplaires limités (100) de 6 titres dont une nouveauté (La Pute ou le Bourreau) est désormais disponible pour 25 francs suisses (l’équivalent de 24 euros).
L’occasion de revenir sur le phare sonore aux vibes électro-rap de l’EP éponyme (en téléchargement gratuit) de Murmures Barbares. Formés d’Idal et Hook, auxquels se sont greffés DJ Wark et Flexfab (surtout pour les lives), tous issus du collectif neuchâtelois Michigang, Murmures Barbares avait déjà fait l’objet d’un rapide détour en radeau à l’Imprimerie Nocturne. À nos yeux (et oreilles), ce n’était pas suffisant pour rompre le silence et il nous a paru indispensable de remuer le couteau dans la touche « play ». Vous ne connaissez pas le nouvel adage ? « Chasse le décibel, les Murmures Barbares reviennent au galop »… le temps d’un EP.
« Soit tu rappes, soit tu parles… trop. »
Au souvenir du bon vieux sale temps de 2013, qui nous a livré de très bons verdicts musicaux, l’Imprimerie Nocturne ressort les clichés en couleurs. Serait-ce là un brin de nostalgie ? Ou le souci de bien faire son travail en faisant des heures sup’ ? Aucun des deux mon général. Comme une lueur venant frapper en pleine nuit, la nouvelle (très brève) de la sortie vinyle a redonné du baume au cœur à certains cancres du sommeil. Murmures Barbares. Ce doux nom aux relents violents a osé cracher et recracher leurs morceaux dans la grande purée musicale. N’ayez pas l’air surpris si « chaque nuit, le temps s’arrête ». C’est que les Murmures Barbares sont entrés dans vos têtes. Mais que nous racontent-ils ?
Ce qu’il faut savoir de Murmures Barbares, c’est qu’ils ont l’art de graver plusieurs refrains différents dans une même chanson. « Les monarques sans couronnes » semblent avoir perdu la boussole, mais pas le nord depuis ses frontières suisses. Avec « De l’encre dans les veines » et plus encore, Murmures Barbares expriment à la lettre la bouffée d’air nécessaire quand on étouffe dans un espace clos. C’est le genre de son que t’écoutes quand t’as envie de te défouler, en ayant bien pris soin d’être à l’abri des regards. C’est le genre de cris étouffés que tu sors à l’arrache en espérant après coup que personne ne t’a entendu car ce serait vraiment trop la honte. C’est comme ça que ça se passe. C’est comme ça que ça démarre : « Radeaux, phares, barreaux, boussoles ». Premier titre. Pas le temps de ralentir. Comme Oxmo, il n’y a que le point final pour les arrêter.
« Et la nuit, je rêve que les oiseaux rêvent de marcher. »
Les prods de Hook alternent entre sons corrosifs, beats qui claquent (et Dieu qu’on aime ça), basses électroniques et silences radio. C’est la machine qui gueule et Idal son porte-parole. Idal. Une écriture de fou. Une paume de feu. Un croisement entre l’abstract, la rêverie, le ciel, la nuit et le bitume. « Posez-vous des vraies questions, vous verrez que vous n’aurez pas de réponses ». Si La Rumeur se situait impertinemment (et heureusement) « entre barbares et racailles », aucune étiquette ne semble coller à la peau de ces Murmures. Ça jongle, ça frappe, ça tape du poing et sa soigne la rime qu’elle soit belle, sale ou en marge. « Des cancres dans l’Éden » s’auto-décrit Idal.
Il suffit d’écouter Pirate Catalyseur pour comprendre nettement leurs intentions. Excellent titre, clip « pharamineux ». On assiste aussi à des légèretés qui nous emmènent dans un ciel aux allures orageuses. C’est le cas pour le titre éponyme Murmures Barbares, où la boucle de piano mélanco-nostalgique nous ramène à ce que « les gens ne croient plus » avant d’entrer dans une fin en mode « dubstep cataclysmique ». Le morceau que je préfère. On craquera aussi à l’écoute Des Lueurs. Forme d’hommage à Psykick Lyrikah selon leurs auteurs et notamment à l’album Des Lumières sous la Pluie avec un final qui défonce les tympans après le faux calme de ces nappes qui semblaient perdues dans le brouillard de la ville. « La lumière est aveugle et en son absence vos parades flanchent. La nuit chante le requiem des apparences. Ma ville est malade, je soigne ses tares à l’encre ». On retient aussi « Origamis » et « Tout à perdre ». Deux vraies perles.
Il y a de la beauté dans leur rap aurait pu écrire Dosto’. Certains ne le voient pas. Tant pis. Rien n’est à jeter, tout est à écouter. Les douze titres aux airs des douze salopards ou aux douze coups de minuit sonnent la rébellion là où les éclairs de lune se sont frayés un chemin au milieu de la nuit. Choisissez lequel vous empruntez. Ici, tout retour en arrière sera possible. Aucun remords à avoir. « Chaque seconde s’envole et ne revient jamais » sauf pour écouter les Murmures Barbares.
« Vendez votre peau, vos entrailles ne sont plus rentables. Tentez votre chance, faites semblant comme vos semblables. »
Murmures Barbares – Vinyle de 6 titres disponible ici / EP disponible en free download sur leur bandcamp