Sorti fin 2014, L’Alchimie du verbe de Koobilaï révèle un flow tout aussi classique qu’efficace. Un rappeur rennais à suivre et qui sera présent pour la soirée Le jour et la nuit le 11 avril au Jardin Moderne.
Koobilaï fait partie des MC’s qui ne se sont pas remis des années 90, gardant le boom bap comme fil à suivre pour dérouler ses textes, des introductions avec cordes ou claviers, ne laissant la place qu’à quelques samples et scratches. En « Indépendant » bien sûr, le titre après un préambule qui se plait à placer « l’étendard de l’indépendance » du Poster d’Haroun. Faire du rap en indé, c’est toujours « La croix et la bannière », propos appuyé avec Taïk’n et Enerku, alors que l’album s’enfonce dans des boucles sombres et répétitives; grincements pour « Bombe à retardement », Koobilaï s’adresse à ceux qui « s’enfoncent religieusement dans l’insouciance de la nuit » et qui crament de la weed. Décrochage de l’esprit et du corps. Pas de la plume. Le rappeur manie la rime avec aisance pour la recracher sur les différentes productions, qui savent aussi s’amuser avec l’emprunt de répliques de cinéma, technique récurrente du rap français.
« Je ne veux pas être le produit de mon environnement,
je veux que mon environnement soit mon produit à moi. »
Les Infiltrés – Martin Scorsese
L’environnement n’est pas toujours drôle, mais la moindre des choses est de savoir y prendre un peu de recul, comme sur l’excellent « Les parasites » servi avec Safirius (Darjeeling speech, Micronologie), variation au pluriel d’un titre déjà paru en 2011. Koobilaï le fait suivre de l’exercice technique de « Lévitation ». Celui pour qui « l’attraction du bitume » le surprend tous les soirs (« La nuit est mon royaume ») continue son remue-méninges introspectif jusqu’à l’ébullition. Le disque se clôture entre « Apaches » avec quelques autres Rennais qui aiment le micro (Nos de la Fab, Simba de Panel Large, Joe Fellaga, Monf et Enerku). La production n’a pas décollé son cul du canapé, c’est toujours aussi lourd et le son tourne comme s’il n’allait jamais s’arrêter. L’Alchimie du verbe ne changera pas le rap français, et n’en a pas la prétention sans non plus asséner que c’était mieux avant. Mais le contrat est rempli, et le boulot des producteurs comme des djs et des différents MC’s se ressent. Une réussite en souterrain.
L’alchimie du verbe – 14 titres de Koobilaï – Sortie 12 décembre 2014 – Prods : Vyda, Shar the analog bastard, Doug Jawers, Axiom, Ron Soporific, Zenghi, Edk, 8th Votary, Wone2, Ben L’esk1t, Métropol’Production. Scratchs : Leenox, Rockett Baz, Joon.