Les nouveaux sauvages : un régal.
Les mœurs corrompues de l’Espagne (et de l’Argentine) sont ici avec truculence passées à la chaux vive. La méchanceté et les règlements de comptes, les conflits sociétaux, la vanité, les tracasseries absurdes de la vie, les paillettes bling-bling et le cynisme vulgaire des uns, la brutalité crasse et épaisse des autres, bref, toutes ces joyeusetés immorales sont mises en scène·s de manière délectable. Ce qui rappellera à certains Les opportunistes (Il capitale umano en italien, satire sociale franco-italienne sortie sur les écrans l’an dernier, de Paolo Virzì, avec Valeria Bruni-Tedeschi, Fabrizio Bentivoglio… inspirée par l’œuvre de Stephen Amidon, Human capital), où l’inélégance et la crapulerie des castes fortunées étaient mises en exergue, savamment opposées à la naïveté et à l’impuissance des castes de la petite bourgeoisie montante – ou populaires stagnantes. Voire Gone Girl (thriller américain de David Fincher, avec Ben Affleck et Rosamund Pike), où le mauvais goût et l’absence absolue de scrupules définissaient in fine les principaux protagonistes.
6 séquences présentant 6 aspects très contemporains de nos frères humains, ce n’est pas triste. D’abord, la vengeance en plein ciel d’une tête de turc, rancunière très au-delà de la moyenne – il ne fait pas bon sous-estimer certains individus capables de consacrer toute leur énergie à venger leur honneur de psychopathe bafoué. Puis les recettes « épicées » d’une restauratrice (on pensera là immanquablement à Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, 1976) qui ne craint nullement de rendre la justice elle-même. Puis un duel cocasse, avec un crescendo splendide, sous un soleil torride, dans une sierra aride, entre un jeune cadre dynamique en Audi aussi pressé qu’arrogant et un péquenot vindicatif. Puis une guéguerre entre un ingénieur spécialisé dans les explosifs et la fourrière municipale. Puis un notable – dont le fils a commis un délit de fuite tragique – qui va chercher, quasi à tout prix, aidé d’un avocat véreux, d’une femme effondrée et d’un jardinier dévoué, à sauver les apparences. Enfin, un mariage fastueux, qui dégénère dans une spirale époustouflante de violences qui, là, les feront voler en éclats, les apparences.
6 histoires vraiment drôles qui comblent le spectateur, bienheureux de ne pas se trouver dans les situations décrites. 6 histoires qui donnent envie d’en voir 6 de plus tellement elles sont toutes rondement menées. 6 histoires qui n’en forment qu’une – celle de nos travers, qu’il est si jubilatoire de brocarder.
Les nouveaux sauvages, film espagnol à sketches (6) de Damián Szifron avec Ricardo Darín, Oscar Martinez… – Durée : 2h02.