Rhapsoldya, ça sonne comme un nom de groupe reggae militant, mais non, c’est du rap, ça vient de Brest, ça envoie la fusion au tapis. Et ça prend la position d’un arbre avec l’album N’int ket deuet a-benn da ziwriziennañ ac’hanomp… (Ils n’ont pas réussi à nous déraciner).
Si vous connaissez l’énergie du groupe Startijenn (dont nous avions parlé du projet El-Taqa), vous êtes prêts à passer à celle de Rhapsoldya. Aucun rapport me direz-vous, si ce n’est qu’ils ont deux membres en commun : Tangi Le Gall-Carré à l’accordéon diatonique et Youn Roue, qui délaisse ici la bombarde pour prendre le micro; après avoir pris le stylo pour écrire les textes. Un accordéon ? Des textes en breton ? Oubliez votre première déduction de « chant de barde celtique pour coin du feu »; Rhapsoldya, c’est du rap. Militant qui plus est. Oui, mais c’est en breton et vous n’y comprenez rien. Rassurez-vous, moi non plus; sachant que seulement 12% des adultes parlent breton en 2010. Et là-dessus, Rhapsoldya n’oublie pas son histoire, la langue bretonne maltraitée comme bon nombre d’autres langues régionales, souvent non reconnue, et connaissant une perte de vitesse dans sa transmission depuis les années 1970. Il serait un peu long, et surtout complexe de nous aventurer dans des données que nous maitrisons peu. Rhapsoldya n’oublie pas non plus la longue histoire militante de la Bretagne (dont les débats ont d’ailleurs toujours lieu ici et là) et se permet de rappeler haut et fort les questions d’indépendance du territoire.
« Parler pour les plus faibles. Voilà le but de Rhapsoldya. »
Le propos militant est servi par des textes souvent symboliques, parfois aussi concrets qu’un pavé en manif; Rhapsoldya a un certain stock de rage et de colère qui s’expriment dans une plume révoltée (les traductions seront mises en ligne sur le site du groupe). Mais l’énergie de cette explosion face à trop de sujets dramatiques (sans-papiers, licenciements, violence de la misère, inégalités, pollution, vous pouvez compléter la liste) se traduit aussi par la musique qui se veut à la fois traditionnelle dans les mélodies à l’accordéon, mais complètement actuelle avec une bonne dose de rock, une belle utilisation des scratches (mention à Robert le Magnifique invité sur « E-Biou Ar Boled » et Dj C.L.B.), des incursions vers le reggae-dub (« Frankiz »). La musique dégage une grande énergie qui se retrouve également sur scène (voir vidéo ci-dessous); quelle que soit l’humeur, si vous avez besoin d’une bonne claque musicale, une dose régulière de Rhapsoldya est la posologie à suivre. Brest a sûrement trouvé son Rage against the machine. Histoire de ne pas se faire déraciner.
