Un océan d’amour, de Lupano et Panaccione

Un océan d’amour … Sur la couverture, une sardine tire une tronche… un ciel jauni, passé où s’envolent quelques mouettes, la mer en vagues pointues, un phare breton et une Bretonne, une Bigoudène à la coiffe emblématique et au ruban blanc noué dans le dos. « Un océan d’amour » peut-on lire sur la couverture.

La bd est récente, fin 2014. Un éditeur, Delcourt/Mirages. Un scénariste, Wilfrid Lupano, un dessinateur/coloriste, Grégory Panaccione. Et surtout, surtout un récit muet burlesque d’une franche qualité.

Récit muet ? me direz-vous. Je vous répondrai « récit muet, en effet », un récit sans texte vous aurez compris. Sans texte mais non sans scénario. Puisque nous avons Wilfrid Lupano à l’écriture, muette certes, mais foutrement bien ficelée. Lupano c’est l’auteur de Les Vieux fourneaux ou encore Ma révérence. De beaux ouvrages à son actif, de belles pages, de belles histoires.

Et puis pour les dessins c’est Panaccione. Je ne le connaissais pas avant ce one shot. Mais qu’il s’agisse des couleurs, des personnages, des mers déchainées ou des situations cocasses, il a su m’emporter, me transporter réellement. Un dessin qui rappellerait à plusieurs égards Les Triplettes de Belleville… une ambiance et un ton du même registre.

Océan-d-amour-

Je l’ai lu dans la nuit, sans m’arrêter. Au départ, on file les pages doucement, on passe d’une vignette à l’autre, on revient sur la première, on apprécie, on déguste mes chers on déguste… on s’imprègne. Et puis alors c’est parti, ça file à toute berzingue. Dès les premières notes, croyez-moi ou pas, je me suis retrouvé transporté, tout à coup, quelques mois plus tôt, alors que j’écumais les vieux bistrots de Bretagne. Peut-être en avez-vous entendu parler… le Rade Trip qu’on a appelé ça. Et je revoyais alors, au fil des pages, le port de Douarnenez, ou celui du Guilvinec, le petit bistrot de la pointe du van qu’on appelle La Buvette, avec ses mobiliers bleus et la mer qui fouette devant les roches que les ajoncs n’ont pas fini de dévorer. Et cette femme, aux cheveux blancs, petite et trapue, qui parlait en breton avec son ami, l’ancien pêcheur venu  prendre l’air frais du bord de mer chez sa vieille copine qui tient le comptoir. Oh, je revoyais tout ça, non pas de manière distincte, mais plutôt comme un torrent de souvenirs qui vient se fracasser dans la caboche et qui ne laisse de la place à rien d’autre… je lisais les pages avec ce goût dans la bouche, les yeux pétillants, tout autant que ceux de ce vieux marin lunetté, héros du livre.

Un duo original, un homme chétif à lunettes et une femme costaude à l’allure bien nourrie

Tout commence la nuit. Au petit matin plutôt. Mais il fait encore noir. Permettez-moi de mettre des mots sur le silence, pour vous planter le décor. Un homme, petit, chétif, récupère du bout des doigts la grosse paire de lunettes sur la table de chevet. Il se lève. Il regarde par la fenêtre la mer d’huile, noire, qui l’attend. L’homme descend. Une Bigoudène, forte, costaude même, mais au doux visage, prépare une galette pour son cher et tendre. Une galette qui vous ferait regretter les tartoches beurre-confiture que vous avez pris l’habitude de manger au petit déj. Une galette saisie par le feu, sur laquelle terminent de cuire un œuf et une tranche de lard, et sur laquelle elle disperse une pluie de fromage râpé. L’homme s’installe à table, elle lui sert un café. Il mange. Écoute à la radio les prévisions météo, s’en va prendre sa douche et sort couvert de son bonnet de marin. La bonne femme avant qu’il ne quitte le domicile pour sa pêche quotidienne lui donne une boite de « Sardines à l’huile délicieuses ». L’homme tire une tronche pas possible. Voilà son déjeuner. Il faut voir les tronches que nous dessine Panaccione. Un régal. Il rejoint son bateau et le côtier s’en va en mer. Le jour n’est pas encore levé… Et une aventure imprévue attend notre marin et sa douce. Tout le livre ne sera alors que rebondissements, chutes, gags, yeux pétillants, mouettes, mer en furie et autres cabrioles maritimes.

Voici les ingrédients du livre, que vous trouverez indiqués en quatrième de couverture (les seuls mots de la bd) : « océan (eau, sel, détritus), amour (eau de rose, baisers, mariage), sardines, mouettes, crêpes, homard, Bigoudènes endeuillées, sauce (aventure, suspense, second degré, drame sentimental, rebondissements absurdes, gags désopilants), Che Guevara (0,5 %), arôme artificiel de Vierge Marie ».

Une belle aventure bretonne à lire absolument pour les amateurs de bd, de Bretagne, de crêpes donc, de mer, de pêche, de bateau, de jolies histoires, de Cuba (hé oui), de Fidel Castro pourquoi pas, de dentelles…

Un océan d’amour – Une bande dessinée de Lupano et Panaccione parue en 2014 chez Delcourt/Mirages – 222 pages

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