C’est une bande dessinée sortie en 2010 aux éditions Futuropolis. 5 ans déjà, mais c’est une bd qui mérite d’être lue ou relue au regard d’une actualité brûlante. Je ne m’aventurerai pas dans une critique politique, historique de l’Ukraine. Je n’ai pas les compétences pour le faire. Mais je conseille fermement la lecture de cet ouvrage qui, à plusieurs égards, rappelle aussi les écueils de la domination étatiste, quelle qu’elle soit. La domination et le prosélytisme, le fascisme, encore une fois quel qu’il soit, politique, économique ou religieux, est le fardeau de l’Humanité. Il nous faudra un jour apprendre à nous éduquer pour ne plus faillir.
Les Cahiers ukrainiens, récit-témoignage poignant, est découpé en plusieurs chapitres consacrés chacun à des portraits d’Ukrainiens ayant vécu sous le régime soviétique. Pour la plupart des anciens nés dans les années 20 et ayant vécu l’une des famines les plus importantes de l’histoire de l’Humanité. Entre 1932 et 1933, le régime soviétique organise volontairement une famine qui fera entre 2,6 et 5 millions de morts. Ce n’était pas la première famine en Ukraine, il y en eut également sous le tsarisme. Celle de 1932-1933 fut engendrée dans le cadre d’une vaste campagne de « dékoulakisation » (les koulaks sont des propriétaires terriens, parfois de tout petits propriétaires qui ne possédaient que deux ou trois vaches et une petite parcelle). Or, l’Ukraine vivait sur une tradition agricole de petits propriétaires. Ce fut un des grands désastres économique et humain du 20e siècle.
Les portraits qu’Igort dresse tout au long de cette bd, sont touchants tant par la dureté des récits que lui livrent ces personnes, que par la force du dessin et des mots qu’il emploie pour illustrer ces histoires. Une poésie remarquable se dégage de certains récits. Des traits tirés avec force pour composer les visages et les corps de ces hommes et de ces femmes. Des traits empruntés au « réalisme de la tête ». Qu’est-ce donc ? Le réalisme de la tête, c’est la puissance avec laquelle notre tête, notre imagination dessine secrètement les mots qu’elle entend. Et la marge est grande entre la tête et le dessin. Ici, Igort manie ce réalisme avec un certain talent.
Je me permettrai seulement une petite remarque. De nombreuses fautes jonchent le récit. Ce qui est étonnant pour une maison d’édition aussi importante et publiant d’aussi beaux récits.
Cela n’enlève rien à la force de ce livre qui apporte des éclairages évidents sur l’Ukraine contemporaine par le prisme de portraits d’individus marqué par l’histoire.