Captives : un cauchemar, plaisamment mené, d’Atom Egoyan.
Ambigu est le plaisir face une histoire traversée de forces malsaines, machiavéliques et redoutables, à savoir celles d’un réseau de pédophiles qui traquent des jeunes filles sur Internet, en kidnappent, en piègent, créant ainsi l’effroi bien compréhensible des parents concernés par ces irruptions soudaines du quasi mal absolu dans le cours tranquille de leur existence. Captives met ainsi en scène une jeune fille enlevée huit ans plus tôt. Elle sert désormais d’appât. Cassandra (Alexia Fast quand elle est ado et Peyton Kennedy quand elle est enfant) est maintenue en vie par un ravisseur qui a la tête de l’emploi. Ses parents (Matthew, pas complètement abattu malgré l’épreuve (Ryan Reynolds) et l’éprouvée Tina (Mireille Enos)) vivent l’enfer depuis ce rapt. Un duo de flics (le beau Scott Speedman et la belle Rosario Dawson) font leur possible pour remonter et démasquer cette filière aux méthodes sophistiquées et retorses. Les ravisseurs, organisés, bien cachés, arborent en temps normal les masques de la plus haute honorabilité. Il y a bien sûr une faille dans leur système : leur orgueil, qui les poussera à laisser traîner des indices qui n’échapperont pas longtemps à l’acuité intellectuelle de nos amis policiers.
L’intrigue se complexifie au fur et à mesure…
À partir de cet échantillon de population, maintes combinaisons sont possibles. Souvent, par paresse, elles sont inexploitées, ce qui aboutit à des films sans épaisseur, sans personnages secondaires, sans vie ni relief, binaires. Mais Atom Egoyan a du métier. Dans Captives, l’intrigue se complexifie au fur et à mesure. Se dévoilent ainsi :
- les rapports entre les deux parents (l’un subissant les accusations de sa compagne et souffrant du poids de la culpabilité car il n’a pas su éviter que sa fille se fasse enlever pour ainsi dire sous ses yeux, tandis que l’autre ne trouve plus, comme seul et unique sens à sa vie, qu’à accabler son compagnon) ;
- les rapports entre les ravisseurs, qui rivalisent de sadisme et de vilenie ;
- les rapports entre les flics, aux méthodes et aux aptitudes différentes ;
- les rapports entre les victimes des kidnappings et leurs ravisseurs (les premières usant de toutes les ruses possibles pour survivre et trouver un moyen de s’échapper tandis que les seconds cherchent à se faire aimer de leurs proies) ;
- les rapports entre les flics et les parents de Cassandra qui finissent par bien se connaître après huit années d’enquête infructueuse ;
- les rapports entre les flics et les ravisseurs qui jouent ensemble au jeu du chat et de la souris ;
- les rapports entre Cassandra et ses parents ;
- les rapports entre le présent cloîtré de Cassandra et son passé prometteur de patineuse sur glace…
Le cinéma grand public s’arrête parfois aux frontières de la morale…
On découvre tout ce merdier la complexité des interdépendances humaines, scène après scène. Et c’est à la fois flippant et passionnant. On mène l’enquête avec les inspecteurs Nicole Dunlop et Jeffrey Cornwall. On vibre avec Matthew et Tina, fous de douleur. On s’ingénie, avec Cassandra, à trouver une issue. On est en empathie avec tous les personnages (un peu moins, bien sûr, avec les pédophiles). Captives réussit ainsi le pari de nous captiver durant deux petites heures. Et le seul bémol est qu’on aurait aimé qu’Atom Egoyan parvienne à nous faire éprouver de la sympathie, aussi, pour les kidnappeurs, un peu caricaturaux. Là, ça aurait été autrement captivant. Mais le cinéma grand public s’arrête parfois aux frontières de la morale, s’attachant à montrer qui sont les méchants et qui sont les bons sans confusion possible. Alors que, dans la vraie vie, on le sait, les frontières entre ce qui est bien et ce qui est mal ne sont jamais complètement imperméables.