Avant de vous plonger dans ce passionnant dossier, nous tenons à expliquer son existence. Quiconque s’intéresse un tant soit peu à la culture, ou aux mouvements sociaux, n’a pu échapper ces derniers mois aux différentes interventions des intermittents. Qui concernent les réformes de l’Unédic par les propositions du Medef. Nous avons souhaité défricher cette question, avec nos moyens, par le prisme des intermittents, mais également celui des chômeurs et précaires qui sont concernés par ces questions.
En résulte un article, dans lequel vous pouvez piocher par question dans des menus déroulants, mais aussi des dessins ludico-humoristiques. À la fin de cet article également, un pdf téléchargeable qui reprendra les dessins ainsi qu’une bibliographie utile. Merci pour votre lecture et votre partage.
Chapitre 1 – Être un intermittent du spectacle.
C’est être un artiste ou un technicien travaillant de manière épisodique et irrégulière pour différents employeurs de l’audiovisuel, du cinéma ou du spectacle vivant. Ils font partie d’un régime spécifique d’indemnisation de l’assurance-chômage. Pour pouvoir prétendre à l’ouverture de leur droit, les techniciens doivent cumuler 507 heures de travail sur 10 mois. On parlera plutôt de cachets pour les artistes.
C'est quoi, un intermittent du spectacle ?
1 – La notion d’intermittent ?
– Être « intermittent » donc, ce n’est pas être un professionnel de l’intermittence. De fait, il est faux de parler de « statut d’intermittent » comme on peut l’entendre assez régulièrement.
- Être « intermittent », c’est faire partie d’un régime particulier dû à des conditions de travail particulières (celles-ci étant reconnues par le Code du Travail pour certains secteurs d’activité – dont le spectacle) où l’une des règles de base est la flexibilité. Le salarié sera donc amené à travailler pour différents employeurs.
- L’intermittence c’est, enfin et avant tout, un régime d’indemnisation spécifique d’assurance-chômage.
2 – et vint l’intermittent du spectacle :
– Un salarié intermittent du spectacle est un technicien (ingénieur son et lumière, monteur, décorateur, costumier, etc.) ou un artiste (comédien, musicien, chanteur, interprète, etc.) du spectacle, de l’audio-visuel ou du cinéma (bref, de l’industrie culturelle) employé à très court terme.
- Il est d’usage dans ces professions d’être sous contrat à durée déterminée. D’où l’appellation suivante : CDD dit « d’usage ». (Rappelons que la règle, en France, est d’être en contrat à durée indéterminée, même si à présent, nous pourrions en douter…).
- Ces salariés et leurs employeurs vont donc cotiser à l’assurance-chômage selon des règles spécifiques afin de « pallier » la précarité qu’implique un recours au CDD. Ces règles sont fixées par les annexes 8 (pour les techniciens) et 10 (pour les artistes) de l’assurance-chômage de l’Unédic (acronyme pour « Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce »). Attention, seuls les emplois fixés dans une nomenclature par Pôle Emploi, ainsi qu’un nombre minimum de cachets, permettent d’ouvrir un droit à l’indemnisation.
Pourquoi est-ce d'usage de travailler en CDD ?
Un petit rappel historique s’impose.
- C’est en 1936 qu’est créé le régime salarié intermittent à employeurs multiples pour les techniciens et les cadres du cinéma par le gouvernement du Front Populaire avec l’appui des producteurs de cinéma.
Pourquoi un tel appui ? Il était à l’époque difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée. Il s’agissait d’artisans ou d’ouvriers (en peinture, menuiserie, costume, décoration, etc.). Ceux-ci privilégiaient les emplois fixes à rémunération constante. Hors, la production cinématographique s’étale sur un laps de temps relativement court et ponctuel. Avec la création de ce régime spécifique pour l’emploi intermittent, il devenait plus facile d’inciter les professionnels à accepter de travailler sur des projets de cinéma pendant quelques semaines, sachant qu’ils percevraient par la suite une indemnité leur permettant de vivre décemment mais, et surtout, de rester disponibles. Ils étaient alors rémunérés au cachet intermittent.
- 1939 verra la création de la Caisse des congés spectacle, gestionnaire des congés payés dans le domaine du spectacle.
- En 1958 sera créé le régime de l’assurance-chômage de l’Unédic (à laquelle cotisent les intermittents du spectacle – salariés et employeurs).
- C’est en 1965 que sera adoptée l’annexe 8 du régime général d’assurance-chômage et en 1968, l’annexe 10. Les artistes interprètes puis les techniciens du spectacle seront intégrés au régime d’intermittent en 1969.
Que sont les annexes 8 et 10 ?
Il existe au total 12 annexes représentant chacune une profession (ou une catégorie de professions) particulière (intérimaire, ouvrier docker, VRP, etc.) ajoutées au régime général d’assurance-chômage de l’Unédic. Les intermittents du spectacle ne sont donc pas les seuls à bénéficier d’un régime spécifique.
Les annexes 8 et 10 existent depuis 1969 et, malgré les différentes controverses, ont toujours été conservées par prorogation. – L’annexe 8 concerne donc les ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle. Afin d’ouvrir leur droit aux allocations chômage, ceux-ci doivent avoir travaillé 507h sur 10 mois (soit 304 jours).
- L’annexe 10, elle, est réservée aux artistes du spectacle. Ils auront à travailler 507h sur 10 mois et demi (soit 319 jours). Le nombre de cachets pris en compte est de 28 par mois.
Une fois accomplies, la durée des indemnisations est de 243 jours d’A.R.E. (allocation de retour à l’emploi) soit 8 mois.
Qu'est-ce qu'un cachet ?
C’est une rémunération forfaitaire payée exclusivement aux artistes du spectacle. Les techniciens, eux, sont rémunérés au nombre d’heures réelles. Pour Pôle Emploi, il existe deux types de cachets :
- L’un est dit « isolé » et est égal à 12h de travail.
- L’autre est appelé « groupé », dès lors qu’il couvre une période d’emploi d’au moins 5 jours continus chez le même employeur. Il est comptabilisé à raison de 8h par jour.
- On peut aussi y ajouter : Les périodes de formation dans la limite des 2/3 du nombre d’heures recherchées (soit 338h), les heures d’enseignement dispensées par des artistes dans le cadre d’un contrat de travail limitées à 55h. Une fois accomplies, la durée des indemnisations est de 243 jours d’A.R.E. (allocation de retour à l’emploi) soit 8 mois.
Chapitre 2 – L’Assurance-chômage et l’Unédic.
L’Assurance-chômage a pour objectif de protéger le salarié lorsque celui-ci perd son emploi et ce, en lui versant une indemnisation. Ce régime est obligatoire pour tout salarié ou entreprise du secteur privé et repose sur ces deux notions fondamentales : la solidarité interprofessionnelle et la mutualisation des risques entre les employeurs et les salariés, qu’importe le secteur ou la catégorie professionnelle.
L'assurance-chômage pour les nuls
C’est à la fin des années 50 que se crée le système de l’assurance-chômage. En août 1958, à la demande du Général de Gaulle, les organisations représentant entreprises et salariés se réunissent pour discuter de la création d’un système de protection contre la perte « involontaire » (dixit l’Unédic) d’emploi. Ce système vient compléter le régime d’assistance déjà existant. Ils signeront le 31 décembre de la même année la première convention d’assurance-chômage qui pose les fondements du régime. Les organisations représentatives des employeurs et des salariés ont deux grandes missions : celle de garantir le bon fonctionnement de l’assurance-chômage en définissant, lors des négociations, les règles d’indemnisation et celle de gérer les modalités de son financement. À la suite de cela, est signé pour une durée déterminée de 2 à 3 ans, un accord national interprofessionnel (ANI) qui sera remis à l’Unédic. Celle-ci le retranscrit en règles de droit (appelé Convention d’Assurance-chômage) afin d’en définir les modalités d’application. Pour que cette convention devienne efficiente, elle devra recevoir l’aval du ministre de l’Emploi. Il devra s’assurer que les dispositifs de protection conçus par les partenaires sociaux sont conformes aux lois et cohérents avec les politiques de l’emploi en vigueur. Les partenaires sociaux sont par ailleurs, dans l’obligation de gérer l’assurance-chômage à l’équilibre. Ils doivent donc fixer le taux des contributions et de l’allocation pour maintenir l’équilibre financier du régime.
L’Unédic (« Union Nationale interprofessionnelle pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce »):
L’Unédic est donc au centre du système de l’assurance-chômage puisqu’elle a pour but principal de le gérer.
L'Unédic pour les nuls
Par la Convention d’assurance-chômage, elle définit les modalités d’application des règles, gère le financement des dispositifs (tel que Pôle emploi) et contrôle leur mise en œuvre tout en veillant à ce que soient respectées la réglementation et les décisions (prises, entre autres choses, au sujet des conditions d’indemnisation et des modalités de financement du régime) par les partenaires sociaux lors des négociations. Qui plus est, les services de l’Unédic peuvent être amenés à apporter des éléments d’information et d’aide à la décision (prévisions, études, simulations et analyses statistiques, économiques et financières) aux partenaires sociaux dans l’exercice de leurs responsabilités de gestion et de négociation. L’Unédic gère aussi les comptes de l’assurance-chômage en décidant de ce qui devra être prélevé pour l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Les allocations d’assurance-chômage sont financées en très grande partie grâce aux cotisations patronales et salariales. Les URSSAF (organismes implantés dans chaque département chargés de la collecte des cotisations), subordonnés à l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale et collecteur principal des contributions sociales), se chargent de les collecter. Elle peut être, par ailleurs, amenée à emprunter sur les marchés pour assurer son équilibre financier en fonction des fluctuations du marché du travail. C’est à Pôle Emploi que revient le rôle de verser les allocations auprès des demandeurs d’emploi. Enfin, c’est à elle que revient de contrôler la transparence des dispositifs de l’allocation-chômage auprès de l’ACOSS et de Pôle Emploi.
Chapitre 3 – La réforme pour les nuls.
On crie à l’injustice ! Qu’il y a des privilégiés. Ce sont ces gens, là. Ces intermittents, précaires de la pire espèce, qui creusent un peu plus notre trou à tous. Un trou dans le porte-monnaie de la sécurité sociale. C’est un braquage bien organisé de l’assurance-chômage nourri par l’égoïsme sans fond d’une poignée !
Alors, ces rédempteurs de comptes que sont le Medef ou bien la Cour des comptes, bonnes gens qu’ils sont, se plient en quatre pour la France avec force d’accords.
Il y a cet accord du 22 mars dernier. Un peu trop fripon, on le polira le 17 avril. Quoi ! Ce ne sont pas des bêtes ! Non non, ils ont l’intelligence du chiffre. Du calcul exact. Mais c’est bien là que le problème se pose.
On impute avec largesse le déficit de l’assurance-chômage aux intermittents du spectacle alors que les méthodes de calcul employées sont erronées.
Supercherie donc !
Depuis longtemps dénoncée par les syndicats des intermittents du spectacle, par les économistes, par les analystes et par certains ministres… Ce devrait être un scandale, cela reste une poussière sous un tapis.
Et puis, à force de nous montrer le loup, on en oublierait presque la forêt. Le royaume de l’Unédic est vaste et boisé.
Ayons donc une pensée émue pour ces chômeurs à venir qui, transportés de la joie naïve d’avoir gagné leur procès aux prud’hommes pour licenciement abusif, se verront dans l’obligation de rendre jusqu’à 16 200 euros de dommages et intérêts à Pôle emploi. Merci qui ?
Il est important de rappeler ici qu’il n’existe pas de caisse spécifique des intermittents. Il n’y a qu’une seule caisse pour l’ensemble des salariés et employeurs du privé car l’Unédic repose sur la notion de régime de solidarité interprofessionnelle.
Un peu d'histoire
Lorsque le système d’Assurance-chômage fut créé, la France connaissait une période de plein emploi. De fait, les cotisations abondaient. Mais aujourd’hui, il est bien plus difficile de décrocher un travail. Il y a donc moins de cotisations pour financer la protection sociale.
Revenons à l’année 2000. L’Unédic est alors excédentaire et re-calcule son budget en misant sur une baisse du chômage sur les 5 ans à venir. Elle décide de ré-évaluer à la baisse les cotisations selon les souhaits du MEDEF (-6,6 % au 1er janvier 2001 et –3,6 % le 1er janvier 2002). Malheureusement, 2002 détrompera cette hypothèse avec la reprise du chômage. Bilan : près de 3 milliards d’euros de recettes en moins en 2 ans avec pour conséquence une augmentation des dépenses puisqu’il y a eu plus d’indemnités chômage à verser. Viendra s’ajouter ensuite cette crise économique que nous connaissons si bien. Ce déficit concerne l’ensemble du système de l’assurance-chômage. Nous en arrivons à la réforme de 2003. Il faut trouver une solution. L’idée avancée est la suivante : afin de rester en bonne grâce aux yeux des agences de notation, il faut trouver un bouc-émissaire, gage de bonne gestion. Ce seront les intermittents du spectacle et leurs annexes 8 et 10. Ils seraient responsables du déficit de l’assurance-chômage. Dès lors, on peut justifier cette réforme. Ce qui soulèvera un large mouvement de contestation menant à l’annulation de certains festivals bien connus (tel que celui d’Avignon).
Jusqu’en 2003, les intermittents du spectacle devaient comptabiliser un total de 507 heures sur 12 mois afin d’ouvrir leurs droits. Ce qui était alors bien plus pratique : un rendez-vous annuel était pris auprès de Pôle emploi où étaient recalculées les heures travaillées. Dès 2004, un intermittent du spectacle devait (et c’est toujours le cas) réaliser 507 heures sur 10 mois et demi pour bénéficier d’une indemnisation de 8 mois. Ce qui devient problématique. La date fixée avec Pôle emploi pour le calcul des heures réalisées devient plus fluctuante. Celle-ci se voit repoussée dès lors que l’intermittent travaille. Il est donc facile de perdre des heures. Je citerai pour exemple le témoignage de cet intermittent, interviewé par le journal Côté-Caen en 2011 :
« Imaginez que j’ouvre mes droits intermittents le 1er janvier 2011[...].Je dois donc réaliser mes 507 heures avant la mi-novembre, dix mois et demi plus tard. Si je travaille deux semaines, mon rendez-vous sera donc fin novembre, etc. Et quand je suis convoqué à Pôle Emploi pour faire comptabiliser mes heures, parfois quinze mois plus tard, ils remontent seulement dix mois et demi en arrière. Les heures des mois d’avant sont perdues à jamais.»
Un déficit, vraiment ?
Les accords du 22 mars 2014 et du 17 avril 2014 :
Vous en avez entendu parler, vous en avez lu des articles au sujet de ces nouveaux accords concernant le système de l’assurance-chômage, touchant aussi bien intermittent qu’intérimaire, précaire ou chômeur. Pourquoi de nouveaux accords ? À cause du déficit. Notamment celui du système d’assurance-chômage des intermittents du spectacle. Encore une fois.
Or, et c’est bien là le nœud du problème, cet argument avancé par le Medef et la Cour des comptes ne tient pas. La méthode employée pour le calcul de ce déficit est fausse. Pourquoi ? Ce calcul a pour principe de mettre en comparaison le « déficit » des intermittents avec le déficit de l’ensemble de l’assurance-chômage.
Mais, on ne peut parler de déficit des annexes 8 et 10 puisqu’il n’existe aucune caisse spécifique aux intermittents du spectacle. Ceux-ci cotisent à la même caisse d’assurance-chômage que tout autre salarié et employeur du secteur privé.
Dès lors, comment serait-il possible de comparer le « déficit » des annexes 8 et 10 à celui de l’ensemble de l’assurance-chômage ? Les déficits comparés ne sont tout simplement pas de même nature.
Le calcul du déficit de l’Unédic repose sur la différence entre les allocations versées par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi indemnisés ET la totalité des cotisations versées par l’ensemble des salariés du secteur privé et leurs employeurs. Il prend donc en compte les cotisations de toute une population active.
Quant au calcul du déficit des intermittents, il s’agit de la différence entre les allocations versées pendant des périodes de chômage ET la totalité des cotisations versées par les mêmes intermittents quand ils travaillent. Ici, seul l’apport des demandeurs d’emploi, eux-mêmes, est pris en compte.
C’est un non-sens et un grave détournement de l’idéologie qui sous-tend le système de l’assurance-chômage, puisque celle-ci repose, martelons-le encore une fois, sur la solidarité interprofessionnelle !
Qui plus est, il a souvent été reproché à l’Unédic (au sujet de ces fameux accords du 22 mars 2014) son manque de transparence puisque celle-là n’a tout simplement pas communiqué les chiffres officiels sur l’ensemble du coût de l’accord.
Quelques changements pour les intermittents et chômeurs :
Outre une augmentation de 2% sur leurs cotisations, les intermittents verront leur différé augmenter, aggravant une condition déjà précaire.
Qu’est-ce qu’un différé ? Il s’agit d’une franchise ou encore d’une carence visant à augmenter le délai ouvrant l’accès aux allocations chômage.
Lorsqu’un salarié intermittent ouvre ses droits, il dispose de 243 jours indemnisés. Il ne s’agit pas d’une période mais d’un capital de jours qui pourront être interrompus, décalés ou même supprimés notamment avec les heures de travail. Ce qui repousse la fin de l’indemnisation et donc la réouverture de nouveaux droits.
Pour le calcul des droits, on prend, comme salaire de référence, la somme des salaires bruts effectués auparavant. Les 7 premiers jours faisant suite à l’ouverture des droits ne sont pas indemnisés. Il s’agit d’un délai d’attente. Puis, un différé peut être appliqué, ce qui vient retarder encore un peu plus le début de l’indemnisation.
Ce deuxième différé s’applique à partir d’un salaire de référence de 8 500 euros (auparavant, c’était à partir de 20 000 euros). Il augmente considérablement pour les salaires bas et moyens.
Le Syndicat des Avocats de France (SAF) s’alarme de l’article 6 de la nouvelle convention Unédic. Cet article porte sur le différé d’indemnisation, qui, hors licenciements pour motif économique, allonge le délai de début d’indemnisation de 75 jours à 180 jours (soit 6 mois). Pour déterminer la durée de ce différé, Pôle Emploi convertit en jours d’indemnisation les indemnités de rupture obtenues au-delà du minimum légal. Or, les dommages et intérêts obtenus par les salariés en cas de victoire devant les prud’hommes pour licenciement abusif sont comptabilisés dans le décompte des indemnités de rupture servant de base au calcul du différé. Pôle Emploi pourra donc réclamer au salarié licencié ayant eu gain de cause dans le cadre d’un procès prud’homal, jusqu’à six mois de remboursement d’allocations chômage. Le calcul sera forfaitaire : 90 euros par jour d’indemnisation. C’est à dire 16 200 euros pour six mois. Ce nouveau différé pourrait avoir un effet dissuasif quant à un recours aux Prud’hommes pour les salariés faisant l’objet d’un licenciement injustifié. En effet, la procédure est longue, les frais de défense souvent nécessaires. Et au final, les sommes obtenues en guise de réparation pourront être récupérées par Pôle Emploi. Pour le SAF, cette nouvelle mesure issue des accords du 22 mars constitue « un grave détournement de l’objet de ces sommes, qui est d’indemniser le préjudice moral, professionnel et financier subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi. Ces sommes n’ont pas à être confondues avec un revenu de substitution. » Toujours selon le SAF, ce différé d’indemnisation vient à l’encontre des droits des salariés puisqu’il porte atteinte « au droit d’accès au juge d’une part, et au droit d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice d’autre part ». Par ailleurs, le SAF rappelle que l’article L.1235-4 du Code du travail « prévoit explicitement les conditions dans lesquelles Pôle Emploi peut être indemnisé à la suite d’un litige prud’homal, en demandant à l’employeur fautif, condamné – et non au salarié – de rembourser jusqu’à six mois d’indemnités de chômage » et déplore que « Pôle Emploi n’utilise que très rarement cette faculté légale qui pourtant fait logiquement peser sur l’employeur la charge d’un licenciement abusif et représente une source de financement potentiellement importante pour le service public de l’emploi ».Et le chômeur, ce joyeux trublion ?
L’entrée en application de la réforme de l’Unédic devrait avoir lieu le 1er juillet 2014. Précarisant encore les petits revenus, cette mesure fortement contestée au sein des intermittents du spectacle donne déjà lieu à de nombreuses grèves dans le secteur, qui pèsent désormais sur les festivals de cet été.
Retrouvez notre dossier sous format pdf pour une meilleure lisibilité des dessins, ainsi qu’une bibliographie – Consultable et téléchargeable ici :
http://imprimerienocturne.com/dossierintermittent.pdf
Beau travail de récapitulation.
Quelques précisions :
Uno : quand on parle de cotisations sociales, il faut faire très attention aux mots. On dit facilement : cotisations salariales et patronales comme si c’était deux choses différentes. Et c’est bien comme ça qu’elles apparaissent sur la fiche de paie. Il s’agit pourtant strictement de la même chose. Qu’elles soient déclarées « salariales » ou « patronales », c’est un pur jeu d’écriture. En fait, ces cotisations sortent d’une seule caisse, celle du patron, et font exactement le même parcours jusqu’à une autre caisse, celle des assurances sociales. Les cotisations « salariales » ne font en fait jamais partie du salaire des salariés. A aucun moment on n’a eu la drôle d’idée de dire aux salariés : « on va te prendre un peu de ton salaire, puisque tu vis comme un Prince, et on va le mettre à gauche pour les nécessiteux ». Donc, toutes les cotisations sociales sont du salaire socialisé versé aux salariés en tant qu’ils en ont besoin et non en tant qu’ils ont un emploi et un contrat de travail. « Salariales » ou « patronales », c’est juste du salaire sans contrepartie de travail. Et ça, le Medef n’aime pas du tout du tout. Aussi, il faut bien comprendre que quand on propose une baisse des cotisations fifty-fifty entre les patrons et les salariés, c’est simplement une BAISSE NETTE DU SALAIRE GéNéRAL !!
Deuzio : Mais pourquoi on les a divisées en deux colonnes sur la fiche de paie ? C’est un coup des accords de Grenelle. Aujourd’hui, la Sécurité Sociale est gérée paritairement, avec 50% des voix pour les patrons et 50% pour les syndicats homologués. Ce n’était pas le cas à sa création, en 1946, où les syndicats avaient un nombre de voix supérieur à ceux des patrons. Après tout, les cotisations sont du salaire socialisé, on ne voit pas bien pourquoi ce serait aux patrons de les gérer, n’est-ce pas ? Seulement, la Sécu naît avec seulement quatre branches alors qu’elle était prévue au départ pour cinq branches, comprenant une branche chômage. Mais le chômage, en pleine reconstruction d’après-guerre, tout le monde s’en foutait. Puis, vers le milieu des années 50, se crée la Communauté économique du charbon et de l’acier. Le charbon et l’acier, rappelons-le, ce sont les premiers secteurs à avoir subi la crise dès 1970, avant le fameux choc pétrolier. Entre nous, je n’ai jamais compris comment le renchérissement du prix d’une source d’énergie comme le pétrole pouvait avoir causé la fin de la production d’une source d’énergie moins chère comme le charbon. Moi y en a vouloir des explications, missié patron. Enfin, revenons à nos moutons : les pouvoirs publics prévoyant la casse organisée de l’industrie, la question du chômage commence à se poser pour eux et ils décident la création de l’Unédic en 1958. Et devinez quoi : la gestion est d’emblée paritaire. L’assurance chômage sert à tester les réformes les plus rétrogrades. Et le paritarisme est élargi à toute la Sécu dix ans après, en échange de l’extension de son champ d’application aux entreprises de moins de dix salariés. Bonjour les hémorroïdes !!
Je continue.
Troizio : Il faut sauver les bénéfices. C’est-à-dire qu’il faut baisser les salaires d’une manière ou d’une autre. Et comme un beau nuage de fumée est venu cacher ce que sont vraiment les cotisations sociales, c’est par là qu’on va commencer. Et comme d’hab’, c’est l’assurance chômage qui monte en première ligne. C’est une pratique constante de l’Unedic au moins depuis les années 80 de baisser les cotisations dès qu’il y a un peu d’excédent, et puis dès qu’il y a un peu de déficit à cause de la première baisse des cotisations, on rétrécit les droits des chômeurs. Année 1 : excédent, donc on n’a pas besoin d’autant de cotisations, donc on baisse le taux. Mais on le baisse juste un peu trop ce qui fait que, année 2, on se retrouve en déficit, alors on baisse les droits des chômeurs pour que, année 3, on se retrouve en excédent et qu’on puisse baisser les cotisations, etc… Plus pervers, je ne vois pas. Et la réforme des droits des intermittents est une accélération de ce processus en l’appliquant à une catégorie de salariés facilement stigmatisable, et en faisant croire aux salariés non-intermittents que ce sont eux qui paient pour les intermittents. Mais c’est faux. Ce sont les patrons qui paient pour les intermittents comme pour les autres. Et ce sont les patrons qui veulent toujours payer moins, surtout en salaires. C’est normal, c’est leur job de patrons. Et nous, qui ne sommes pas patron, on fait quoi au juste ?
Quatrizio : Ce qui est appliqué à l’Unedic sert de test pour ce qui va être appliqué, sous une forme un peu différente, à toute la Sécu. Et c’est au moins une bonne raison de soutenir les intermittents dans cette lutte. Ce n’est pas pour être solidaires moralement : belle idée, bonne intention, c’en est écoeurant. Mais parce que nous sommes objectivement solidaires, comme les pièces d’un même bateau qui coulent toutes ensemble. Laisser les intermittents couler, c’est s’assurer que nous coulerons derrière. Ceci dit, la réciproque est vraie. Et si les intermittents ont envie de faire ce qu’ils aiment dans les meilleures conditions, ils sont priés de se battre pour qu’il en soit ainsi de tout le monde (je crois que ça bouge dans ce sens, mais je ne suis pas assez informé – donc, infos bienvenues).
Cinquio : Après, je n’ai pas beaucoup de sympathie pour un système dont l’implication est qu’une partie de la population est payée pour prendre en charge la représentation qu’une société se fait d’elle-même par le théâtre, les films ou la musique. N’importe quel maçon (ou plombier polonais) devrait pouvoir se faire acteur, metteur en scène ou musicien quand ça lui chante. Parce que quand je vois le corps d’un maçon, d’un livreur de pizzas ou d’une secrétaire, et le corps de l’acteur ou de l’actrice qui le représente, je pleure,n j’ai envie de crier au mensonge, à l’injure. Ces corps blancs, lisses, parfaits, dont le seul but semble de nous faire haïr la réalité du monde dans lequel nous vivons. Allons, artistes, soyez le jusqu’au bout, ne vous contentez pas de vous battre pour maintenir l’existant mais participez à créer dans la vie quelque chose de radicalement différent.
Joli dossier, bravo !
Vous pourriez peut être préciser que vous parlez de salaires de références Annuels car ceusses qui lisent ce dossier sans le connaître déjà peuvent naviguer dans une mer de fantasmagories soigneusement entretenues.
Merci pour ces commentaires qui me seront d’une grande aide pour continuer à affiner ce dossier.
N’hésitez surtout pas à pointer du doigt les potentielles inexactitudes ou erreurs de langage pouvant mener à un contre-sens.
Et encore une fois, merci !
Merci pour cette synthèse où un peu de légèreté ne nuit pas…
J’y vois cependant une information manquante et pourtant cruciale : le fait que le temps de chômage entre deux contrats, pour un intermittent, est en réalité un temps de travail intensif pour trouver et préparer d’autres contrats.
On attend d’un chômeur qu’il consacre son temps d’indemnisation à retrouver un travail et à se former pour s’y préparer ? C’est TRES EXACTEMENT ce que nous faisons, et paradoxalement, plus nous avons d’ancienneté et de reconnaissance de nos pairs et du public et plus il nous faut travailler en-dehors de nos contrats : non seulement pour entretenir nos compétences à haut niveau (plusieurs heures PAR JOUR pour des musiciens), mais pour rencontrer les directeurs qui vont nous engager, les bailleurs de fonds, chercher la matière et les partenaires du prochain projet, et pour entretenir le contact avec le public (répondre à des courriers, faire des interviews… Tout ça c’est du travail et du temps !) Subvention déguisée à la culture ? Adaptation du dispositif aux réalités TRES particulières de l’emploi de la culture, pour que l’assurance chômage puisse faire pour nous ce qu’elle est censée faire pour tout le monde.