Tom à la ferme : un drame franco-québécois de (et avec) Xavier Dolan, déconseillé aux moins de 10 ans, recommandé à tous les autres.
8 mai férié. J’enfile mon caban, enfourche un Vélostar, me rends à l’Arvor sous la bruine et me téléporte outre-Atlantique. Histoire âpre : Tom, montréalais, se rend aux obsèques de Guillaume, son petit ami. Celui-ci est mort à 25 ans. Et on comprend que non seulement il devait avoir des pratiques homosexuelles mais qu’en plus (et surtout) sa famille ignorait cette particularité – ou feignait de l’ignorer. Tom, concepteur de contenu dans une agence de publicité, déboule donc dans la ferme de la famille du défunt. Là vit la mère (Lise Roy), veuve asséchée qui ressemble à Christine Lagarde. Elle a la main leste et l’esprit, s’aperçoit-on peu à peu, légèrement dérangé – et de plus en plus dérangeant. Là marine aussi le frère de Guillaume, Francis (Pierre-Yves Cardinal), barbu musclé, « à la belle allure » comme il se présente lui-même, mais aux idées étriquées et à la personnalité vaguement démoniaque, voire carrément maboule.
La tension croît. Le contraste entre les culs-terreux et le citadin branché s’épaissit. Les nervosités et le trouble itou. Ça et là surgissent des comportements étranges, violents, fous, incohérents. Le vernis craque. Les plombs fondent et sautent. Pourtant, Tom s’installe à la ferme, un peu contraint et forcé, et rallonge son séjour au sein de cette « famille d’accueil ». Sado-masochisme aux relents de purin, amours perverties et vaches à traire, emprises malsaines et relations déglinguées, rapports ambigus entre Francis et sa mère, entre Tom et Francis, entre Tom et la mère de Francis, entre Francis et le reste du monde… On suit avec effroi la rudesse de cet environnement étouffant où mensonges, deuils, paroles refoulées, bestialité latente, fascination, persécution et soumission pathologiques s’entremêlent, formant un tout décidément anxiogène.
Les parts de noirceur de chacun apparaissent. Les visages sont saisis en gros plans. En dépit d’un titre enfantin qui sonne comme un Martine à la plage, Tom à la ferme n’a rien de la bluette. On plonge dans le quotidien d’une famille de « dégénérés consanguins » pour reprendre les termes de Tom. Cependant, comme une mouche engluée sur ces rouleaux qui pendouillent, Tom reste scotché chez ces agriculteurs qui ne cultivent pas de manière intensive la bonne intelligence. Et les pieds dans le fumier, il se met à travailler pour eux, en dépit de ce qu’on lui fait subir. Faudra-t-il y voir une parabole de la violence exercée par les USA vis-à-vis de maints pays – violence fascinante à laquelle, sidérées, les autres nations assistent sans pouvoir la contrer, en l’acceptant avec une complaisance plus ou moins navrante ? Si la question se pose (et qui paraîtrait saugrenue au vu du contenu de ce drame social qui ressemble à tout sauf à un essai de géopolitique internationale), c’est parce que Francis (personnifiant à lui tout seul la bêtise crasse et la violence réactionnaire la plus rédhibitoire) porte un blouson de cuir avec « USA » joliment floqué sur le dos. Or, je ne crois pas au hasard des sigles qu’on peut voir dans un film, surtout lorsque celui-ci est, avec brio qui plus est, ciselé dans ses moindres aspects. Vous croyez que j’extrapole ?