Seulement trois représentations de Ghost Road au TNB les 8, 9 et 10 avril. Dommage, car la création du Belge Fabrice Murgia intrigue, intéresse, questionne, remue. Et surtout emmène loin dans les étoiles par moments.
Ghost Road, le genre de spectacle où on se demande s’il faut chercher à tout expliquer. Le genre de spectacle où l’on hésite pendant la première demi-heure, car les personnages eux-mêmes semblent perdus.
Sur scène, une femme, seule, fume. Elle évoque le souvenir d’une danseuse partie vivre dans le désert, peignant son public sur les murs de sa nouvelle demeure. Filmée en direct et projetée en noir et blanc en fond de scène, le dispositif scénographique crée un premier décalage. Puis le texte, tout comme la santé mentale des personnages, part un peu partout. Est-ce vrai, cette histoire de cerveau qui va finir par décoller dans les étoiles, et ces huissiers qui embarquent même les sandwiches ? Tout est raconté, tout est passé, tout reste invérifiable. Mais quelque chose dans l’interprétation de Viviane De Muynck donne envie de la suivre.
« Les souvenirs, ça va, ça vient. C’est comme la mer. Et ça laisse des choses sur la plage. »
Le texte a un potentiel fort, celui d’imaginer les scènes avec la narration qui les réinvente déjà; un grand potentiel poétique également, humoristique parfois. Déstabilisant aussi. Toutes ces notions de lieux que l’on quitte, de mélange entre interrogation sociale et nostalgie, cette galerie de personnages évoqués et déconnectés du réel, qui pourtant viennent nous grattouiller sur notre capacité à rêver, ce mélange-là associé à la mise en scène nous attrape. La douleur, souvent incarnée par une chanteuse lyrique qui intervient, d’abord en retrait, puis en interaction avec l’actrice, la folie, la crise financière, la mort, l’art, le quotidien, les photos sur le meuble du salon, tout passe et à la fois rien. Noyé dans les vapeurs de la fumée qui va progressivement envahir le public. Noyé dans les silences d’un road-movie.
D’un coup, le rideau tombe. Après une première vidéo de Martha, la danseuse, ce sont des hommes qui parlent, de leur rapport au temps, de leur souvenir de Bombay Beach, de leur maison, qu’ils ont enfin trouvée, dans des lieux abandonnés. Désertés. Ghoast Road. Le titre s’explique, le spectateur a réussi à croiser les fantômes de la route 66, et peut-être à frôler le sublime des lieux en friche. Fabrice Murgia, le metteur en scène, ainsi que l’actrice et un vidéaste, les ont rencontrés aussi. Et c’était finalement le point de départ de cette création. Sûrement que cet article aurait pu commencer par cette explication. Mais la route ne se prend pas qu’en sens unique.