Alors que les associations continuent de manifester en faveur des droits des femmes, l’association Histoire du féminisme à Rennes publie ce mois-ci un ouvrage intitulé Les femmes s’en vont en lutte. En attendant de découvrir l’ouvrage, questions à Lydie Porée et Patricia Godard, à l’initiative et la rédaction de ce livre.
■ Lydie et Patricia quel est votre parcours ? Comment en êtes-vous venues à créer cette association Histoire du féminisme à Rennes ?
Nous sommes l’une et l’autre militantes féministes à Rennes depuis le début des années 2000. Nous avons notamment participé l’une et l’autre à la création de l’association Mix-Cité Rennes, en 2002. Il nous est fréquemment arrivé, dans notre parcours, de regretter de ne pas connaître les féministes rennaises des générations précédentes, de ne pas savoir qui elles étaient et quelles actions elles avaient menées. Suite à une rencontre avec une de ces féministes nous avons eu envie d’en savoir plus et avons commencé les recherches, aussi bien dans les archives, que grâce à la récolte de témoignages oraux. Dès le début nous avons eu en tête qu’il était important que nous transmettions nos connaissances au plus grand nombre, c’est pourquoi nous avons créé l’association Histoire du féminisme à Rennes.
■ Quelles seraient les quelques dates clés de cette histoire locale ?
L’histoire des luttes féministes à Rennes est en effet marquée de dates clés, au diapason ou à contre-temps de la chronologie nationale. Par exemple, il a fallu attendre 1965 avant que ne soit créée l’association départementale d’Ille-et-Vilaine du Planning familial : par rapport au reste de la France, ou même des autres départements bretons entrés dans le mouvement dès le tout début des années 1960. Cela s’explique sans doute par le poids encore fort de l’Église catholique en Ille-et-Vilaine. Les mobilisations pour la libéralisation de l’avortement se déroulent à Rennes au même moment que partout en France, de 1972 à 1974. À l’issue de ces mobilisations les groupes femmes se renforcent, et peuvent être comparées avec le MLF parisien qui existe depuis le début des années 1970. 1979 est une grande année féministe à Rennes : les groupes femmes, les associations comme le Planning familial et de nombreux partis politiques et syndicats travaillent à l’unisson pour que la loi Veil provisoirement votée en 1975 soit définitivement adoptée. L’institutionnalisation du féminisme qui démarre nationalement à partir du début des années 1980 était déjà observée à Rennes dès 1977-1978, l’arrivée d’une équipe socialiste à la mairie et l’envie d’agir concrètement pour les femmes l’ayant favorisée.
■ Vous publiez ce mois-ci aux Éditions Goater Les femmes s’en vont en lutte. Histoire et mémoire du féminisme à Rennes. Pouvez-vous nous décrire un peu cet ouvrage ?
Nous avons voulu que ce livre soit le plus accessible possible, aussi bien par le prix que par le contenu. Il ne s’agit pas d’un livre universitaire, mais les chercheurs et chercheuses y trouveront les références pour approfondir les grandes lignes de l’histoire que nous avons dégagées. Nous souhaitons qu’il soit utile aussi bien aux Rennais et Rennaises pour mieux connaitre l’histoire de leur ville, mais aussi aux militant·e·s féministes d’aujourd’hui, afin de mieux comprendre le contexte aujourd’hui dans la ville.
■ Aujourd’hui la remise en question du droit à l’Ivg par le gouvernement en Espagne, les revendications de mouvements d’extrême-droite concernant le mariage pour tous, avez-vous l’impression de vivre un recul sur les droits des femmes, ou des droits humains en général ?
La fragilité des droits des « minorités », au sens de groupes dominés, n’est hélas pas nouvelle. Les résistances à l’égalité ont été, et restent, très fortes. Nos droits ont été conquis de haute lutte, et l’exemple de ce qui se passe aujourd’hui en Espagne nous montre qu’ils sont toujours à défendre. Le mariage pour tous a été obtenu, mais pas la procréation médicalement assistée. Les étrangers attendent toujours le droit de vote, pourtant promis !
« Féminisme est un beau mot : réapproprions-nous le. »
■ Beaucoup de personnes rejettent le terme de « féministe », homme ou femme, par cliché ou par réaction envers certaines campagnes marketing (adopteunmec.com par exemple) ; ces renversements de valeur ne vous semblent-ils pas desservir le propos ?
Le sexisme est à combattre, quel que soit le sexe qui en est la victime… mais il faut bien avoir en tête les proportions : qui sont les principales victimes des inégalités entre les sexes ? Ce sont les femmes. Il est regrettable que certaines campagne de publicité au « sexisme inversé » soient utilisées par les hommes pour dire « Nous aussi nous sommes des victimes du sexisme ! ». Aujourd’hui les femmes exécutent toujours près de 80% des tâches domestiques (dont le soin aux enfants), elles sont payées entre 20 et 25% de moins que les hommes, elles sont la majorité des personnes pauvres etc. Le sexisme est un système qui profite largement aux hommes. Certains d’ailleurs choisissent de réfléchir à leur situation de privilégiés, et s’engagent dans les groupes féministes. Par ailleurs, la publicité se renouvelle peu, et réutilise sans cesse des clichés sexistes, homophobes, racistes. Et pour finir, « féminisme » est un beau mot : réapproprions-nous le !
■ À Rennes s’est tenue une excellente conférence gesticulée intitulée « Le clito un petit nom qui en dit long. Plaisir et politique au pays de la sexualité féminine ». Ramener des questions dans le débat public et populaire, c’est important ?
En effet, il est très important que le plus grand nombre participe aux débats et puisse s’informer. Ainsi, l’association Histoire du féminisme à Rennes a fait le choix de multiplier les supports : conférences, notices sur les groupes féministes dans Wikirennes, livre… et visites guidées dans le Rennes féministe des années 1970, qui rencontrent un grand succès, car le format en petit groupe, en plein air, sous forme de déambulation dans la ville facilite les échanges entre les personnes.
■ Vous proposez également un journal, des projections ; quels sont les prochains évènement à venir de votre association ?
À Rennes le mois de mars est marqué par les événements coordonnés par la Ville autour du 8 mars, journée internationale des femmes. Nous proposons deux événements :
- le jeudi 20 mars à 18h aux Archives municipales : nous présenterons les archives du groupe Choisir-Rennes, dont les membres ont pratiqué des avortements illégaux avant la loi Veil
■ Quel serait votre dernier coup de cœur artistique ?
C’est toi ma maman, le dernier roman graphique de l’auteure américaine Alison Bechdel : elle décrit de manière très émouvante et très intime sa relation compliquée avec sa mère.
Le site Histoire du féminisme à Rennes // Le site des Éditions Goater
Bonjour, nous vous conseillons de contacter les auteures du livre via leur blog : http://histoire-feminisme-rennes.blogspot.fr/
Cordialement.