Un oeil dans l’rétro pour 2013 : notre sélection rap

L’Imprimerie a tenté un sauvetage de ses remords terribles de n’avoir pu chroniquer certains albums de rap parus l’an passé. Séance de rattrapage en guise de rétrospective pour 2013.

Nous avons déjà chroniqué Psykick Lyrikah, Rezo & K.Oni, Rezo en Revivisence, Pepso Stavinsky, Hippocampe Fou, parlé de Piège de Freestyle, et puis l’année est passée bien vite. Présentation des projets qui ont marqué nos oreilles et qui nous l’espérons, marqueront les vôtres.


pandor-le-cul-entre-deux-16Pand’or – Le Cul entre deux 16
Cactus en intérimaire


Camélia Pand’or est sortie de sa boite pour s’asseoir entre une pile de brouillons et des montagnes de punchlines. Pour régler ses comptes, éviter l’impasse, en contemplation, avec la rage au bout du stylo, en équilibre sur un beat qui égrène des productions alléchantes. Un premier Lp réussi qui assume ses doutes, son instabilité et cherche la liberté. Un cactus qui pique, sait sortir ses épines sur la bonne mesure, pour un album solide, un classique qui taille déjà sa route dans la jungle du rap.

 


Kyma - Le Chien, le Sucre et le MaîtreKyma – Le Chien, le Sucre et le Maître
Mutinerie dans le chenil mondial


« Des crampes et des samples au moral » avait titré L’Imprimerie Nocturne lors de l’interview du Kyma, de passage à Rennes cet automne. Et si en quatre titres on apprend que si Cesko a encore la rage c’est qu’il est vivant, on entend surtout que le Kyma cogite, les nerfs à vif pour toujours. « Si aujourd’hui on a une liberté d’expression, c’est pour envoyer bouler, pas pour faire des trucs qui vont plaire à tout le monde » nous avait dit Cesko. Et envoyer bouler, le Kyma ne saura jamais faire autrement, voilà pourquoi ce prélude au second volume des Crampes Mentales, prévu pour cette année 2014, chante encore pour ceux qui ont un trou dans la tête et rogne la laisse qui nous est tendue tous les jours. Cesko et Fysh ne feront jamais de la musique pour le haut du panier, mais pour ceux qui refusent de se coucher.


hh-momo.v01Yoshi Di Original – Hip-Hop Momo
Jurassic Claque


Si on devait faire une comparaison, on dirait que Yoshi Di Original a sûrement ingurgité pas mal de Saïan en plus de solides heures d’impro et de battles. Il y a peut-être même un peu de Leeroy derrière ce phrasé bondissant, à la fois solidement arnaché à chaque syllabe et souple comme une remontée de saut à l’élastique. Pour autant, le dino’ n’est pas au bord de la falaise. Sens de l’humour, précipitation feinte et excitation réelle à se saisir du mic, agacement devant l’omniprésence de la notion de nation, Yosh’ déboîte 18 instrus et enterre les traîtres avec un sens de la dérision qui devrait en dérider plus d’un. Mention spéciale aux apparitions de Gérard Baste et Abuz, vrais-faux white trash bien connus qui oscillent entre gang-bang d’instru et Big Bang d’un rap français, plus sonné que sauvé par le gong.


Le Pakkt - L'Album LentLe Pakkt – L’album Lent
Pompes funèbres qui ne respectent rien


Le Pakkt n’a rien signé, pas même avec le diable. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il est au dessus du diable. Déclinologues en chef d’une planète qui tournerait trop vite, le trio niçois a décidé de faire tourner son rap au ralenti pour mieux proclamer que Tout Est Foutu. Alors 10 pistes durant, Zippo, Vargas et John Creazy offrent des promesses de déclin, aigres et rancunières, à un monde qui craint sa part d’ombre. L’Album Lent est un enterrement en grande pompe, et on en sort les pieds devant. Doucement, lentement, pendant que la faucheuse elle-même est dans ses petits souliers, les coups de pied au cul se perdent, surtout quand ils sont donnés depuis six pieds sous terre.

L’album est en libre téléchargement sur le site du Pakkt et en écoute sur Youtube.

BPM - Allez Leur Dire


BPM – Allez leur dire
cool et souple comme un sample de soul


Tranquillement mais sûrement, BPM déroule son style détendu. Pas Gangster pour un sou, naviguant dans le sud de Paris et empilant les lignes entre égotrip et tranches de vie passées à chiller, le trio de MCs s’amuse de ses propres comparaisons et métaphores. Du Calvados au barrage des Trois Gorges, Allez Leur Dire et ses fausses allures de long fleuve tranquille est au final un condensé d’exercices de style. Bref, voilà un rap bien dans ses pompes, sans complexes ni quoi que ce soit à prouver. De là à dire qu’on a affaire à de futures pointures ? Peut-être pas. Mais un disque idéal pour se lever du bon pied ou le prendre, ça c’est sûr.


Fayçal - L'Or du CommunFayçal – L’Or du commun
Pierre précieuse pour te construire ton propre édifice


Si certains ont vu la sociologie comme un sport de combat, Fayçal est de ces rappeurs qui transforment le rap en art martial. Clairvoyance, discipline, fausse austérité qui magnifie la sobriété, le bordelais sublime les doutes et angoisses de tous les jours et dédramatise les confidences sans les minimiser. En bref, Faycal touche au quotidien, et l’humilité de sa musique relève de l’excellence. La sagesse n’apprend-elle pas que la vie est précieuse dans ses choses les plus simples ? Faycal le sait, et mieux encore, il en capte l’essence. C’est avec des disques comme celui-ci que le rap gagne ses Lettres de Noblesses.


C.Sen - Le TunnelLe C.Sen – Le Tunnel
Bande d’arrêt d’urgence en sous-sol


Il paraît que des vendeurs à la sauvette agissent dans la station. Il paraît que la présence de personnes sur les voies perturbent le trafic. Il paraît qu’au bout du tunnel, il y a la lumière. Il paraît beaucoup de choses, mais une chose est sûre : underground ne veut pas dire six pieds sous terre. Le C.Sen, après avoir baladé le voyageur au gré de ses Correspondances, transborde celui-ci le long des hiéroglyphes qui s’impriment sur les murs des grandes villes. « On a voulu faire de nous des chiffres, alors j’ai décidé de devenir des lettres » qu’il disait en interview à l’abcdrduson.com. Des chiffres, des lettres, des gifles, des êtres, et peut-être qu’au final, au milieu de ces relations qui s’enchevêtrent au coeur de ce disque, ce sont ceux qui donnent l’impression de tourner en rond qui filent finalement le plus droit. Largué comme une bombe, pas comme une merde, C.Sen est De Retour. Et dans un tunnel, pas le droit au demi-tour. La lumière est bien au bout.


Anton Serra - FrandjosAnton Serra – Frandjos
Grimaces verbales


Inarrêtable et parfois inénarrable, tel est Anton Serra. Le Sale Gone souffrirait-il d’hyperactivité ? En tous cas, oubliez la Ritaline, c’est à l’adrénaline qu’Anthony carbure, nourrie par des souvenirs d’enfance et des intentions vocales qui font de ses clips un best-of des faciès les plus dingues du rap français. Vandale et verbal, le rappeur-taggeur de l’Animalerie grimace sur instrumental et use des murs en guise de grimoire. Pendant ce temps, Frandjos secoue la mélancolie et ne craint ni le sel sur les plaies, ni la peinture sur les doigts et encore moins la confiture de rimes sur la bouche. Récemment, celui qui a la Folie Féline se définissait comme le pigeon voyageur de L’Animalerie. Une chose est certaine, au bout du fil, Anton Serra laisse beaucoup de place à l’amitié sur ta messagerie. Voilà pourquoi il est impossible de raccrocher avant la dernière piste.


DJ Fly - InsoliteDJ Fly – Insolite
Vinyles en orbite à 3500 tours/minute


Multi-titré aux compétions DMC, le DJ de l’Animalerie (encore !) sort un EP qui est au scratch et au turntablism ce que les quatre saisons sont à la musique classique. Rien que ça ? Oui, rien que ça, ou plutôt tout ça, tant Insolite balaie en 8 pistes le champ des possibles de la scratch-music des années 2000. Du gyrophare qui sort de la bombe de peinture tenue par le flow d’Anton Serra au bangers orchestré avec Les Gourmets qui confisque les étoiles au Guide Michelin, DJ Fly touche à tout, du rap scratché en urgence au glitch-hop, avec toujours cette pente vertigineuse qu’il fait descendre au sillon. Il y avait la chute, il y avait l’aterrissage, et il n’y a désormais plus de mauvaise descente sur des platines en apesanteur. « Allo Houston ? On n’a plus de problèmes ».


Raistlin - Mon Echappée BelleRaistlin – Mon Échappée belle
Met son grain de poivre dans ton rap


L’Échappée belle de Raistlin, autre ancien de La Moza [CF Nemo Nebbia, NDLR], enchante samples de flûte, rappe le hip-hop et ses éléments tel un examen microscopique et met son grain de poivre dans des instrus sucrées salées faites maison. Alors, cuisine moléculaire cet EP ? Non, un rap faussement élémentaire car superbement travaillé, riche en textures et avec en bonus i, solo de sax qui clôture le morceau éponyme à l’EP. Impossible de ne pas y apercevoir autant hommage au fantôme de Murphy Gencives Sanglantes qu’il ressuscite l’immense échange entre Les Little et Manu Di Bango. The Message ? Tiens le cap et Ressens le son !


murmuresIdal & Hook – Murmures barbares
Prosodie helvète pour feuilles blanches


Idal (Mc) & Hook (producteur) ont gratté les illusions jusqu’à la moelle pour en retirer des rimes tout aussi brutales que la basse qui les assène. Le temps nous vole tout paraît il, alors autant l’utiliser pour se laisser entraîner dans le monde chimérique des deux emcees qui font des cocottes en papier avec leurs textes sur des samples nostalgiques ou des ambiances carrément industrielles. Une descente chromatique en menottes de velours ou harpe d’adieu, ces 12 titres savent habiller le pessimisme dans du papier de soie. La Suisse ne produit pas que du chocolat, et ces Murmures barbares ont réussi à franchir la chaîne jurassique.


demiDemi portion – Les Histoires
Apprenti marin bloqué au port


Une moitié de grande gueule, la dégaine naïve au pied des immeubles sétois, cet artisan du bic revient avec un deuxième opus qui grille le scratch d’emblée. Il racle le bitume de cette « île singulière », si possible avec le smile, pour livrer avec plaisir et énergie des chroniques lucides; des histoires personnelles dont les oignons font pleurer. Qu’il s’agisse de jouer au mauvais garçon avec Kacem Wapalek ou d’observer la street dont beaucoup rêvent de s’évader, Demi Portion ne fait pas nécessairement les choses à moitié pour bloquer son auditoire jusqu’à la dernière minute de ces 15 titres.


orus Orus – L’Alpha et l’homme égal
Chill out intergalactique


Ceux qui manient des « rimes de métèque » ont décidé de s’offrir un petit voyage en rolls sur saturne, et de nous emmener planer sur les prods de Goomar, Sapp-One et  Dooze. Branchez l’allume cigare, puis trinquez sans peur des lois de la gravité, encore moins des turbulences grâce au géocentrisme d’un son qui défile comme les étoiles à travers le casque de cosmonaute que vous avez enfilé. D’interludes en discussions avec le Petit prince, vous rejoindrez Dagobah avant d’atterrir après 1/2 heure smooth en compagnie d’Orus.


Nemo Nebbia - En Direct du BrouillardNemo Nebbia – En Direct du Brouillard
Périscope à tête chercheuse


Pour rapper En Direct du Brouillard, il vaut mieux des phases qui coupent ça au couteau, et pour le coup Nemo Nebbia tranche plutôt bien. Errant dans la cale, l’oreille collé aux écoutilles, dans un univers sondé au sonar des étoiles, Nebbia fend le monde du silence. Avec ses instrus qui tanguent et voguent, son EP se navigue de nuit, sans trop jamais s’approcher de la lumière des phares. Que ce soit en surface ou en plongée, il capte chaque bulle d’air et expulse la houle trop longtemps ressassée. Et dans son sillon, le brouillard qui se dissipe. Ne cherchez pas de contre-feu, Nemo Nebbia rappe à contre-jour dans la brume.


O'Legg - La Métaphore du TobogganDJ O’legg – La Métaphore du toboggan
Sampling et scratchs filés

 


La Cinquième Kolonne, ça a beau commencer à dater, impossible de ne pas préciser qu’O'Legg était le Dj qui officiait Derrière Nos Feuilles Blanches, avant d’être très proche de l’équipe Skyzominus fondée par Piloophaz. Il aura fallu attendre 2013 pour que sorte enfin le premier véritable projet solo de celui qui fait tourner les vinyles bien mieux que les manèges, et accouple instrumentaux, remixs, et scratchs offensifs depuis maintenant une quinzaine d’années. Et si on est loin du jardin d’enfant, avec les apparitions du bien trop sous-estimé 12mé ou encore du nerveux Loco Rodiguez, il y a dans ces 9 titres un immense terrain de jeu. Ainsi, en solo ou avec des MCs, O’Legg s’approprie samples et réminiscences, qui empruntent autant au vieux rock qu’à House of Pain, et qui cultivent autant melting-pot que paradoxes. Voilà pourquoi La Métaphore du Toboggan ne souffre d’aucune comparaison : MCs solides, scratchs habiles et productions touffues et diversifiées. Bref, ça glisse tout seul.


Scarz - SDSV 3Scarz – Salves de salives v. 3
Postillonade de patates


Sorti le 31 décembre, la 3ème Salve de Salive de Scarz déglutira une dernière fois l’an 2013. Le Niçois, constant et prolifique, tatoue sa vie de ses phases et de ce flow sec et déterminé. Rentre-dedans comme toujours, efficace comme jamais, le Rapologist plaque un peu plus ses mollards sur les trottoirs d’un monde où la valeur des choses pousse dans le caniveau quelques valeurs. Et à vrai dire, de l’imagerie de ses derniers clips à son parcours de vie commencé en Auvergne en dansant la Bourrée, le MC du 06 semble s’orienter de plus en plus vers un retour la terre. En témoigne le titre entre Bitume et Chemtrails, qui magnifie l’adage d’un Donkishot perché dans son donjon du XIXème arrondissement de Paris : « la tête dans les nuages, les pieds dans la merde ». Les moulins à vent ne résistent pas aux patates verbales de Scarz.


Hofusk - HLLSGTSTR Hofusk – HLLSGTSTR
Voyance par instrumental


En un album instru, Hofusk joue à Flashback, projette un hologramme de Billy Idol dans le futur et dépouille le cadavre du CyberPunk. Les villes sont désertes, les pluies acides, et les réplicants hochent la tête tapis sous les porches. L’équipe Invaderdz devient UltraSon aux machines. Et si plusieurs rappeurs ont déjà profité de leurs instrus, les Rainy Dayz ne sont jamais meilleurs que lorsqu’ils habillent le tic-tac du temps. Hell’s Gate Story transforme définitivement la Terre mère en boule de Crystal.


Et parce que même là, il nous a manqué le temps, ne loupez pas également : Stamina – Prison de Verre(s), Les 4 EP de Chill Bump sortis en 2012 et rassemblés en un quatre quart en 2013, Le bootleg de 12mé, Les Chroniques du Fossoyeur de Marshall’Ombre, Paco & Mani Deïz – PacMan, Le Sacre du chat de Starlion.


Article co-écrit avec Maxime

One comment

  1. Durraive /

    yeyo grosse sélection check ca aussi
    https://www.youtube.com/watch?v=8yXtP7Y2cJg

Envie de réagir ?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>