Le Vrai Ben – L’avortement retardé d’un « Suicide Commercial »

2009 – Planète Terre. Un événement majeur et dramatique s’est produit en plein coeur du rap français : la sortie de « Suicide Commercial » a provoqué un véritable raz-de-marée lyrical engloutissant la majorité des clichés dans lesquels l’humain était jusqu’alors habitué. Ce séisme porte un nom et un prénom : Le Vrai Ben.


« Moi ? Je fais du rap. Tu connais ? Tu verras, c’est mieux que le rap français. »


levraibenDerrière ce sang blanc à capuche, semblant curieusement nous défier avec son petit coton-tige ridicule (en comparaison aux gros bling bling proposés par les gangster du « rap game ») se cache dix années de bons et loyaux services envers le rap français durant lesquelles il aura passé la plupart de son temps à accumuler et recoller les morceaux avec le groupe PUZZLE. Après quelques dérapages commerciaux et des ventes pas franchement à la hauteur de ses attentes, le Vrai Ben surgit de nulle part du blizzard, sortant son épingle du « je » avec un album de 17 titres, uniquement disponibles en format numérique. Et oui, quitte à faire un suicide commercial, autant y aller franco ! Accompagné par DJ Logilo (Premier DJ des Sages Poètes de la Rue), le hip-hop est à l’honneur en invoquant la célèbre formule « Gogo gadget aux scratchs », scratchs parcourant tous les titres de l’album. Une prise de risque suicidaire pour tenter de ranimer en vain ce bon vieux rap français.


« Je pensais que les rappeurs voulaient changer ce système qui nous exploite, ils voulaient juste rentrer en boîte. »


Mais que dire du Vrai Ben ? Qu’à chaque fois qu’il place un mot après l’autre, on tend une joue pour ne pas rendre l’autre jalouse ? Qu’il sait mettre parfaitement en lumière les contradictions de l’espèce humaine ? Qu’il s’entendrait à merveille avec Fuzati ? Quoi qu’étant plus compatissant que lui à certains moment. Peut-être bien. Peut-être. Ce qui frappe chez le Vrai Ben, c’est la percussion de ses propos, toujours justes, portés par un flow direct et naturel. Dans le rap, tu peux avoir des punchlines pour combler le vide abyssale entourant « l’artiste » : des punchlines crasseuses, vaseuses et inutiles sauf pour faire rigoler les amis. Ici, c’est de l’art. Certes, des punchlines en boucle mais idéalement bien placées, pertinentes et invitant constamment la réflexion à la tablée. Et pour ceux qui ne sont pas encore rassurés et qui ont peur de s’ennuyer, n’ayez craintes ! Tous les thèmes sociétales y passent : religion, guerre, sexe, rap et crise mobilière. Avec tout ça, Le Vrai Ben se démarque clairement des autres rappeurs. Des rappeurs avec lesquels il n’a aucun mais vraiment « Aucun rapport ».


« Alors chérie, dis moi, qu’est ce qu’on choisit ? Finir comme ces gens qu’on détestent ou faire ce qu’on aime ? Ouvrir les vannes ou s’ouvrir les veines ? »


Écrivons peu, écrivons bien. Le premier morceau est une chanson d’amour envers l’industrie de la musique, revendiquant et évoquant le doux chant du boom bap et du scratching. Par ailleurs, Le Vrai Ben nous souhaite sympathiquement de « passer un très bon suicide commercial » à la fin de ce morceau. Délicate attention. Pour le reste ? Il faut impérativement posséder l’esprit de contradiction pour écouter « Suicide Commercial », mélangeant à rythme soutenu égo-trips et détestation de soi-même ou encore la fierté d’être et d’être à la fois un looser. C’est un paradis malsain et sado-masochiste que nous propose le rappeur parisien. N’ayez pas peur non plus des mots bruts, de l’emploi des clichés pour mieux les stigmatisés, des tabous brisés et achevés à grands coups de pompe. Le Vrai Ben, c’est spontanément réfléchi…ou l’inverse, à vous de voir. Les références culturelles et musicales sont nombreuses. Pour exemple, quoi de mieux que de faire ressusciter temporairement Coluche pour raconter «L’histoire d’un mec» ? C’est juste criant de vérité. Au fil de l’écoute, c’est d’ailleurs le ressenti qu’on aura à la fin de chaque rime posée. Les souvenirs et la nostalgie traversent ce naufrage commercial avec «Comme en 98» et surtout avec «Je me rappelle d’une époque». Ces deux morceaux me donnent envie de revivre ces moments que je n’ai pas vécu. Obligé de sauter des étapes tellement il y’a de choses à écrire, je passe directement à la fin personnifiée de l’album, «Minivan», qui sans spolier son contenu, est en accord avec l’esprit suicidaire de l’album.

Pour conclure, j’aimerai adresser un message personnel : « Monsieur Le Vrai Ben, je vous remercie de m’être amusé à me détester. Je vous remercie également pour le coton-tige mais entre-nous, il n’a pas suffit à éponger le sang tout droit sorti de mes oreilles. D’ailleurs, qu’est-ce que t’es devenu aujourd’hui ? « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » m’a dit un jour un vieux con. Il avait presque raison. Nous avons perdu le Vrai Ben, il s’est transformé…en lui-même : Benjamin Paulin. Quelle belle fin. Quel coup de pub ! Un véritable happy-end commercial ! »


« Frères et sœurs, faits comme moi de chair, de sang, de peur. Je vous souhaite un peu de bonheur et je m’en vais tout seul. Les aiguilles de ma montre tricotent déjà mon linceul. »


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