Identité nationale, voile, juif, manière de commander le café, sexisme ordinaire, Pablo Seban de la scop du Vent Debout interrogeait ses identités et les nôtres au café libraire du Papier Timbré, envahi pour l’occasion.

C’est sous forme de conférence gesticulée que Pablo Seban développe son parcours et ses réflexions. Mais une conférence gesticulée, qu’est ce que c’est au juste ? Un débat forcément houleux ? En réalité une initiative de récit d’expérience mêlé à des informations documentées, pour un outil de réflexion et de débat populaire; la thématique choisie et la forme finale appartiennent au conférencier gesticulant. Et pour la position de Pablo, c’est d’emblée une communication avec le public, interrogative et humoristique. Il faut préciser que les conditions du spectacle ont aidé à quelques plaisanteries : le café librairie était plein à craquer.

« Je suis juif ». C’est ainsi qu’il démarre. Pablo est juif non pratiquant par sa mère, elle même juive non pratiquante, mais juive par sa mère. Et ainsi de suite. Mais Pablo est aussi italien par son père. Finalement, Pablo est un homme, blanc, hétéro et de classe moyenne. Des étiquettes qui simplifient. Fastoche quoi. Tout aussi facile qu’un pays qui n’est pas raciste puisque « tout le monde a un ami noir ». Bien entendu. Pendant une vingtaine de minutes, Pablo Seban va jongler avec les clichés, interroger le rôle des médias, nous faire poser les yeux sur le rapport à l’autre, à cette « tolérance de la différence », placer quelques citations, bousculer les conventions, provoquer, et muni d’un tableau, expliquer la mécanique du racisme. Nous conseillons fortement au lecteur à l’issue de cet article de regarder la vidéo de cette conférence que nous ne risquerons pas ici à réexpliquer sous peine d’être totalement incompris; car une conférence gesticulée, ça se vit, ça s’écoute et ça se voit. De l’art douloureux de la retranscription. C’est en tous cas avec brio que Pablo Seban place un très bon extrait de Pierre Desproges. Qu’il réinterprètera ensuite avec « on me dit que des noirs et des arabes sont dans la salle. Vous pouvez rester ». Grincement de dents. Question du voile. Tiens tiens, et si les discours étaient plus compliqués qu’un sketche des années 70 ?

C’est ainsi que dans une deuxième partie, il sera question de liberté d’expression et de laïcité. Et le débat populaire prend alors tout son sens, quand devant le théâtre du Vieux Saint-Etienne, le jeu des opinions se met en place pour que le public (qui a quitté les murs décidément trop petits du Papier Timbré) puisse trancher. Ou pas. La liberté d’expression permet elle de tout dire ? Oui mais pas avec n’importe qui ? Les réponses sont loin d’être évidentes, et c’est là tout l’intérêt d’une conférence gesticulée : réfléchir, se confronter à d’autres points de vue, à d’autres histoires. Pablo Seban terminera avec des extraits d’un discours de Nicolas Sarkozy au palais de Latran (Rome, 2007) pour réinterroger la laïcité, puis les milieux militants y passeront aussi, puis finalement nous mêmes. Nous, et nos problèmes partagés ou pas avec d’autres chemins. Sans tomber dans l’individualisme forcené, Pablo Seban nous incite à regarder la poutre qu’on a dans l’œil plutôt que la paille dans celui du voisin, et à remettre en cause intégralement les rapports de domination, sous quelque forme qu’il soit.

Une conférence gesticulée sur les identités nationales, quatre ans après un débat stigmatisant et houleux, et des constats aujourd’hui. Sur les racismes de tous poils qui prennent des places dans des débats publics, qui banalisent parfois, qui excluent souvent. Aucune réponse tout faite. Et un devoir pour chacun de saisir ces questions.

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