Reprendre du Léo Ferré c’est un peu comme jouer à colin maillard à côté d’une falaise. Un risque, ambitieux, que prennent plusieurs artistes sur un album intitulé Ferré ce rap qui paraîtra courant novembre. Tomberont-ils dans le ravin ?
Au départ, un groupe, La Vie d’artiste. Une moitié hip-hop pour le micro et les platines, et une moitié rock jazz avec basse et batterie. Ce sont eux qui introduisent ce long disque de 17 titres, et ils n’ont pas froid aux yeux en faisant pencher « La Solitude » et « Vingt ans », deux titres bien connus et magistraux du grand Léo Ferré, dans le versant du rap; celui renouvelé à la sauce hip-hop jazz, une tendance qui fleurit depuis plusieurs années. Une basse souple, une batterie répétitive, et au micro, un flow qui donne sa propre vision du texte. Et même si les amoureux de la chanson française ne s’y retrouvent pas face à la rythmique donnée à « Vingt ans », ils devront pourtant reconnaître que les accords utilisés sont les mêmes.
Un remaniement en quelque sorte, où d’autres artistes sont conviés à cette ré-adaptation. La discographie de Léo Ferré étant impressionnante, quels choix ont été faits ? De la révolte de « Poète vos papiers » à la poésie de « La Mémoire et la mer », ici interprétée par Valerian Renault des Vendeurs d’Enclumes, la compilation pioche des titres de plusieurs albums, mais aussi dans les reprises que Léo Ferré avait faites lui même; c’est ainsi que l’on retrouve Skalpel (Première ligne) pour « l’Affiche Rouge », un texte d’Aragon. « Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps », et ils sont déjà 13 mcs pour 13 minutes sur « Il n’y a plus rien ». Un passage de micro qui rappelle l’identité rap du disque; ou l’identité rap que possédaient déjà les textes de Ferré ? Alors les samples envahissent le « Psaume 451″, et c’est le flow de Tchad Unpoe qui sert La Grève »; Tchad Unpoe, qui avait déjà tenté l’exercice avec la reprise de « La Maffia » en 2006 sur Musique de France. Mais c’est aussi le rock qui s’invite avec les riffs de guitare sur « Le Chien », et qui joue à répondre à la voix de Léo qui hurle « I’m un immense provocateur »
Léo Ferré, une source d’inspiration pour ceux qui écrivent et une manière d’aborder la poésie dont s’empare ici La Vie d’artiste, épaulés par plusieurs mcs. Un rythme qui existait déjà et qui se retrouve ici appuyé par le poids de la basse, une manière d’éventrer la poésie au micro portée avec sincérité. En hochant la tête comme sur un classique de rap. En balançant une phrase l’espace d’un cri. Ferré, ce rap, un projet ambitieux qui permet de (re)découvrir des textes monumentaux, et qui, s’il tombe au fond du gouffre, ce sera pour y déterrer quelques phases de plus.
Ferré ce rap – Un album de 17 titres signé par La Vie d’Artiste (Trublion, voix – Supafuh, platines/sampler – Pierre Grenet, batterie – David Hazak, basse) – Sortie le 18 novembre 2013 – Avec Skalpel, Tchad Unpoe, Lila Tamazit, Valérian Renault, Fred Dorlinz, Pizko Mc, Naï, Robweed, Nero, MC Waloobeach, Ruff, Posti, R-Mythe Jean Jean, Heady, S’Pry, E One.
Pour aller plus loin, tentez de vous procurer le documentaire Génération Ferré diffusé par Arte en juillet 2013.