Personne n’avait pu rater l’information; le 4 juin, l’Opéra de Rennes diffusait en direct La Traviata de Giuseppe Verdi. Une retransmission qui pouvait être également suivie dans plusieurs villes de Rennes métropole, à Saint Malo mais aussi sur internet et à la télévision. Réussite technique, et succès public. Retour en trois actes sur l’évènement.
Place de la Mairie à Rennes, noire de monde. Le soleil tombe doucement derrière les immeubles et éblouit une masse de spectateurs.
- Tu vois je t’avais bien dit qu’il fallait venir plus tôt ! Maintenant impossible de trouver une place pour nos transats ! Et puis ça va commencer là, dépêche toi !
- Oui c’est vrai. Maintenant nous sommes coincés entre des gens qui trinquent et des mangeurs de chips. Niveau son, nous sommes un peu loin. Raah puis il faut lire en plus.
- Bah oui, c’est en italien ! Tiens regarde il y a quelqu’un qui est venu avec son matelas gonflable !
- Hihi. J’imagine la tête de Verdi en voyant ça « Ma, regarder La Traviata depouis ouna pneumatique ! Impossibile ! » D’ailleurs ça veut dire quoi La Traviata ?
- La dévoyée. Bon sang, lis le petit guide bleu fourni par le monsieur tout à l’heure ! Et chut, ça commence.
- La dévoyée ? Paye ton vocabulaire de 1853 ! Euh la chanteuse, ça ne devait pas être Maïra Kerey ?
- Non elle a été remplacée par Myrto Papatanasiu. Bon c’est fini ces questions ? Après tu vas me demander pourquoi Violetta quitte Alfredo et pourquoi elle meurt à la fin !
- Quoi ?! Elle meurt à la fin ? Tu rigoles, on va se taper deux heures quarante de vocalises sans plus aucun suspense ! Merci bien !
IIème acte
La nuit tombe. Le public a mis des pulls et retiré ses lunettes de soleil.
- Ah voilà Giorgio Germont ! Quel chanteur ! Ça y est les ficelles du drame sont mises en place. Dis donc, on se croirait vraiment à l’opéra, il y a du monde aux balcons.
- Ça m’étonnerait qu’ils puissent regarder depuis leur baignoire quand même !
- Hein ?
- Non rien. Blague stupide. Les baignoires sont des loges situées au rez de chaussée à l’opéra.
- Musicalement c’est pas mal en tous cas, beau travail de la part d’Antony Hermus, le chef d’orchestre. Et le chœur est très bien aussi. Génial les pigeons en 3d qui passent devant l’écran, c’est vraiment super bien fait !
ENTRACTE
Les gens se lèvent, ne se dispersent pas vraiment. Ils regardent tous (ou presque) l’écran qui montre d’autres gens qui eux aussi regardent un écran. Puis ils sont invités à chanter le Brindisi, un air du 1er acte.
« Libiamo, libiamo ne’lieti calici
che la belleza infiora.
E la fuggevol ora s’inebrii
a voluttà. »
- La vache, c’est super difficile de chanter en italien ! Bon, voilà la suite !
Fin du IIème acte – IIIème acte
Silence. Puis rires. Non vraiment la fête chez Flora est vraiment amusante. Le public rit, puis s’arrête. La tension est à son comble. Alfredo retrouve Violetta, mourante.
- Oh. Elle renaît ! Un espoir ! Tiens l’éclairage public renaît aussi.
Violetta meurt. Rideau. Applaudissements à tout rompre. Les solistes apparaissent ensuite au premier étage de l’opéra. Ovation pour tous. La Traviata en numérique a ainsi conquis un public nombreux. Opération réussie.
- Non mais en fait j’ai pas très bien compris; les matadors c’était pour nous dire qu’en fait ça se passait en Espagne ?
Ils s’éloignent en marchant, le public perd peu à peu la conversation qui s’est transformée en murmures.
L’évènement sera bientôt visible sur internet.